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lundi 5 octobre 2009

LUCKY LUKE


Lucky Luke (1991)

En 1987, Terence Hill est à Paris pour la promotion de Renegade de Enzo Barboni et se prête à une séance de photos pour un magazine français. "Le photographe s’est interrompu et m’a dit : "Attendez un instant, j’ai une idée." Je l’ai vu entrer dans un magasin dont il est ressorti avec plusieurs albums de bandes dessinées qu’il m’a tendus en me disant : "Faites comme si vous les lisiez. Je vais vous prendre en photo avec un album de Lucky Luke." À vrai dire, je n’avais, jusqu’alors, jamais entendu parler de ce personnage. J’ai donc lu les albums et deux mois plus tard, comme l’idée d’en faire un film semblait exciter tous les gens qui m’entourent, j’ai décidé de me lancer dans ce projet."

Lucky Luke n’a encore jamais été adapté avec des acteurs, si ce n’est Le Juge de Jean Girault (1971) d’où justement avait été écarté le personnage de cow-boy solitaire ! Reste à convaincre la veuve de René Goscinny et le dessinateur Morris. "Une histoire humoristique en caricatures est très difficile à transposer en live, explique ce dernier. Il y a de nombreux gags impossibles à conserver - comme, par exemple, faire penser Rantanplan -, donc l'esprit est un petit peu distordu. Je trouvais pourtant que cela valait la peine de tenter un essai, d’autant plus que Terence Hill a mis énormément de moyens."

En effet, Terence Hill met en chantier une grosse production : Lucky Luke sera non seulement un film qu’il réalisera lui-même (six ans après Don Camillo, son premier essai) mais aussi une série télé de dix épisodes (produite par Silvio Berlusconi Communications). Le long-métrage est officiellement inspiré de l’album "Daisy Town", "l’un des meilleurs" selon l’acteur, l’un des pires sans doute selon les lecteurs. En effet, cet album est une adaptation du dessin animé Lucky Luke (1971), publiée en 1984, à une époque où Morris passe d’un scénariste à l’autre. Voulant certainement retrouver l’esprit de Goscinny (mort en 1977), le dessinateur a donc transposé littéralement le film, au mépris du rythme et de la compréhension des gags. En réalité, Terence Hill s’est bel et bien inspiré du dessin animé original. Certains gags le prouvent, puisqu’ils n’avaient pas été reproduits dans l’album (le vieux sur son fauteuil roulant portant l’extrémité d’une échelle, l’indien jouant de la batterie, la peinture de guerre représentant le symbole "klaxon interdit"…). Quant au duel opposant Lucky Luke aux Dalton, il était dans le dessin animé une parodie de western italien, une approche à peine perceptible dans le livre mais que Terence Hill s’est empressé de conserver dans le film. De ce point de vue, l’acteur a d’ailleurs placé plusieurs références, notamment les thèmes musicaux de Colorado (les galopades de Jolly Jumper) et Mon nom est personne (l’arrivée des Dalton), composés par Ennio Morricone.

Loin des contrées espagnoles et yougoslaves de ses premiers westerns, Terence Hill choisit de tourner aux Etats-Unis. "Si tu tournes dans le vrai Ouest américain, lui disait Sergio Leone, tu n’as pas besoin d’être bon. Contente-toi de filmer le ciel et ce sera sublime." Les plans de Lucky Luke galopant dans Monument Valley sont effectivement magnifiques et ont dû faire chaud au cœur de Morris, qui rêvait d’Amérique sauvage dans son atelier bruxellois. Daisy Town est construite par le décorateur Piero Filippone au Bonanza Creek Ranch, à une vingtaine de kilomètres de Santa Fe au Nouveau-Mexique, autour d’une maison utilisée dans Silverado de Lawrence Kasdan. "C’était un endroit merveilleux, se souvient l’actrice Nancy Morgan. Il fallait rouler 30 minutes pour arriver sur le plateau… et les derniers kilomètres n’étaient pas goudronnés. Une fois sur place, on se serait cru dans le vieil Ouest. Pas de lignes, pas de téléphones. "

Le cascadeur français Mario Luraschi amène sept chevaux aux Etats-Unis, dont trois pour représenter Jolly Jumper. "Pour travailler non stop, il fallait impérativement plusieurs chevaux. Cela permet en plus d’utiliser chaque cheval pour ce qu’il sait faire de mieux, de les spécialiser. (…) Le plus dur, c’est de créer une réelle complicité entre le cheval et Lucky Luke. De trouver des jeux de regard, de faire jouer le cheval. Mais ils sont très cabots, parfaits pour la comédie. On commence par les faire travailler mécaniquement, et après c’est leur personnalité qui s’exprime."

À cause des conditions climatiques, il n’est possible de tourner à Santa Fe que cinq mois par an. Une fois le film de cinéma achevé, Terence Hill reviendra deux années consécutives pour filmer l’ensemble de la série (huit épisodes au lieu des dix prévus). Lucky Luke lui permet de créer une famille soudée d’acteurs et de techniciens qu’il réutilisera sur ses westerns suivants, Petit Papa Baston (1994) et Doc West (2009), tournés eux aussi au Bonanza Creek Ranch.

Philippe Lombard http://www.devildead.com/histoiresdetournages/

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