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lundi 2 novembre 2009

JACKIE CHAN



Réduisant pour le moment son rôle à celui de producteur, Lo Wei abandonne le Wu Xia Pian à la Gu Long et tente plutôt de surfer sur la vague du Shaolin Kung-fu, un genre initié par Chang Cheh et son chorégraphe Liu Chia Liang quelques années plus tôt (avec entre autre Heroes Two et Men from The Monastery) et récemment revitalisé par l'énorme succès de Eighteen Bronzemen du cinéaste taiwanais Joseph Kuo. Lo Wei met donc sur pied L'impitoyable (Shaolin Wooden Men). Ce film ne montre pas encore un Jackie Chan totalement à l'aise mais montre une avancée de qualité. Disciple de Shaolin, Jackie Chan incarne un jeune homme muet depuis l'assassinat de son père. Sans le savoir, il apprendra le kung fu avec un prisonnier du temple de Shaolin (Kam Kong) qui n'est autre que l'assassin de son père. Après diverses péripéties, Jackie Chan en découdra finalement avec son ancien maître. Le film tente offre une intrigue minime mais bien ficelée. Le métrage est scindé en deux : la première partie se déroule dans le monastère de Shaolin, montre l'apprentissage de Jackie Chan tandis que la seconde prend place en dehors du temple et se concentre sur les relations ambiguës qu'entretiennent Jackie Chan et Kam Kong. Les scènes d'entraînement sont intéressantes mais souffrent de la comparaison avec celles des métrages de Chang Cheh chorégraphiées par Liu Chia Liang Le style du film est toujours aussi rugueux mais l'ensemble est plus cohérent que les autres productions du studio de Lo Wei. Si Jackie Chan se cherche toujours, il est quand même plus convaincant dans le film de kung fu qu'en chevalier raide comme un piqué. L'impitoyable marque une petite évolution qui prendra forme dès le film suivant, Le magnifique (Snake and Crane Arts of Shaolin) qui sera la meilleure des productions Lo Wei de l'époque.

Le magnifique prolonge le changement entamé avec le film précédent et se révèle être au final un des meilleurs kung fu d'exploitation réalisés à Taiwan. De par ses paysages hivernaux, ses beaux décors, son excellente intrigue et son casting qui sonne juste, le film propose un spectacle de qualité. Huit maîtres de shaolin ont inventé une nouvelle forme de combat, « le snake and crane kung fu ». Ils rédigent toutes les techniques de cette lutte dans un manuscrit. Après avoir mystérieusement disparu, tous les clans et guerriers de la région veulent s'approprier le livre. L'arrivée en ville d'un jeune vagabond (Jackie Chan) qui semble détenir l'objet convoité va déclencher de grandes agitations et tensions au sein des différents clans, d'autant plus que l'homme semble connaître toute la vérité sur la disparition des huit maîtres.

Le magnifique est l'exemple même du film de kung fu disposant d'une intrigue solide qu'il ne perdra jamais en cours de route. L'énorme quantité d'action n'empêche pas que l'enquête se poursuive jusqu'à la fin. Et, grosse joie : Jackie Chan se montre enfin à l'aise. Son personnage de vagabond qui a toujours le sourire lui va parfaitement, et dans les moments de tension, l'acteur est convaincant. La multiplicité des personnages et les petits rebondissements dynamisent constamment le récit. Chan Chi Hwa se montre totalement à l'aise, sa réalisation est plus souple et moins figée que sur L'impitoyable. Le casting se montre à la hauteur, tout le monde semble y croire. La Lo Wei Motion Picture livre enfin un spectacle de qualité.

Chan Chi Hwa et Jackie Chan entament par la suite un troisième tournage ensemble, un peu derrière le dos de Lo Wei semble-t-il alors occupé ailleurs. La kung-fu comédie commençait alors à pointer son nez (Wang Yu défie le maître du karaté / Spiritual Boxer de Liu Chi Liang en 1975 et The Good, the Bad and the Loser de Karl Maka en 1976), et il apparaît que Jackie et Chan Chi Hwa avec le Protecteur (Half a Loaf of Kung Fu) aient décidé de s'essayer à la pochade narquoise le temps d'un film. Le film s'ouvre d'ailleurs sur un générique d'ouverture où Jackie se moque allégrement des nombreux archétypes martiaux comme l'épéiste wuxia stoïque, le boxeur shaolin et même le sabreur aveugle Zatoichi. Belle rebuffade de toutes les sortes de rôles inappropriés que Lo Wei avait cherché à imposer à Jackie.

Tout de même après Le magnifique, on peut être déçu à la vision du Protecteur... Si le film précédent était un excellent kung fu sérieux où l'acteur montrait qu'il pouvait se décrisper, cette fois l'humour (gras) prend le pas sur l'intrigue et l'action et de ce fait, le rythme du métrage est clairement défaillant. Seul point positif : l'acteur est complètement dans son élément, à savoir la comédie burlesque. Jackie Chan incarne un jeune vagabond qui va se retrouver embarqué dans une guerre des gangs, qui luttent tous pour la possession d'un trésor. S'ensuivront tout un tas de quiproquos qui vont amener Jackie Chan à apprendre à se battre et défendre l'honneur d'un clan. Mais avant cela (cette partie représente la dernière demi-heure) on va devoir assister à des scènes d'humour qui n'en finissent pas. De plus, avec Dean Shek au casting, on est sûr que les gags ne voleront pas haut. L'histoire de départ correcte mais complètement écrasée par les scènes comiques. Reste que le casting est encore une fois à la hauteur (pour un kung fu d'exploitation bien sûr), que la réalisation de Chan Chi Hwa s'améliore à chaque film et que Jackie Chan continue de définir petit à petit son style. D'ailleurs un style qu'il doit à n'en pas douter à l'acteur Alexander Fu Sheng.

Si Jackie n'a jamais fait mention de Fu Sheng parmi ses influences, il est indéniable que cet acteur bouillonnant lui servit de modèle. Il fut popularisé dans les Shaolin kung fu et fut un des premiers à exposer des petites mimiques. Selon certaines sources, il aurait même du tenir le rôle principal du Chinois se déchaîne.


Le protecteur marquera la fin de la collaboration Chan Chi Hwa (réalisateur) – Jackie Chan à la Lo Wei Motion Picture. Jusqu'à présent, les trois films du réalisateur dépassent largement ceux de Lo Wei et l'homme a prouvé que Jackie Chan, en ayant une assez grande large de manœuvre, s'avérait un excellent acteur. Les deux hommes se retrouveront brièvement en 1979 à l'occasion du sublime Dance of Death, kung fu comedy avec Angela Mao. Jackie passe pour avoir chorégraphié lui-même l'action du film (sans jamais y apparaître) mais selon certaines sources il se serait juste contenté de permettre l'usage de son nom et de poser pour quelques photos de publicité le montrant en train d'instruire la star... Quoi qu'il en soit, d'une manière comme d'une autre, Jackie faisait une grande faveur à son vieux complice maintenant qu'il était devenu une grande vedette.

Après Le protecteur, Lo Wei décide de reprendre son poulain en main. Jusqu'à présent, il n'a enregistré aucun succès commercial et les critiques sont assassines. Insatisfait de certains films il a même préféré ne pas les diffuser dont (Le protecteur, une pochade insignifiante à ses yeux).

Il redirige l'acteur dans L'irrésistible (Spiritual kung fu). Cette fois ci Lo Wei cherche à surfer sur deux tendances filmiques simultanément ; à la fois le Shaolin Kung-Fu et la ghost kung fu comedy, (le Wang Yu défie le maître du karaté de Liu Chia Liang une fois de plus). L'irrésistible est un joli n'importe quoi, un petit ovni très divertissant. Un manuel de combat (« les 7 commandements ») a été dérobé à l'intérieur du monastère de shaolin. Le voleur remet le manuscrit à son fils (James Tien) pour qu'il devienne le maître absolu de la région. Seul un disciple de Shaolin (Jackie Chan) qui a appris l'art « des cinq forces » par les cinq esprits eux-mêmes, peut l'arrêter.


L'irrésistible marque une nette évolution dans la réalisation de Lo Wei (à tel point d'ailleurs qu'on se demande si il est bien le metteur en scène du film). Moins rugueux et plus agréable à regarder que ses quatre premiers films du studio, L'irrésistible compense son manque de rigueur scénaristique par un joyeux délire. Qui a volé le manuscrit ? Cette question n'a pas vraiment d'importance ou disons qu'elle est sous-traitée durant tout le film. L'intérêt va aux combats et aux scènes comiques. L'équilibre entre kung fu et comédie est mieux réparti que dans Le protecteur et le film devient un énorme foutoir dès lors que les esprits des « cinq forces », des fantômes que l'on croirait habillés pour un bal costumé, se manifestent. Taquinant dans un premier temps Jackie Chan, elles lui enseigneront ensuite leur art dans le but qu'il fasse le bien. L'acteur s'accommode très bien à ce délire et tout comme dans Le protecteur (Half A Loaf Of Kung Fu), se montre dans son élément. L'irrésistible marque une petite victoire de Jackie Chan sur Lo Wei. Si le film contient des scènes archaïques imputables au réalisateur, l'acteur a réussi à faire de l'ensemble un métrage le plus léger et frais possible. Sûrement peu enclin à continuer sur la voie de la comédie, le réalisateur reprendra totalement le contrôle sur le film suivant.

Lo Wei n'est pas un grand réalisateur, tout le monde s'accorde là-dessus. Certains lui trouveront des petites qualités, d'autres diront que c'est un tâcheron fini. Lors de sa période à la Golden Harvest, l'homme avait réussi à combler son manque de créativité par ses acteurs vedettes : Bruce Lee et Jimmy Wang Yu (quoiqu'en disent certains). Les deux hommes étaient parfaits pour s'accommoder avec le réalisateur car ils y interprétaient des rôles de série B, des cogneurs mâchoires serrées, toujours prêts à sortir les poings. Lo Wei a compris trop tard que ce genre de personnages n'était pas fait pour Jackie Chan. Pourtant, il est évident que lui aussi avait constaté l'agilité avec laquelle l'acteur s'illustrait dans le registre comique. C'est pourquoi il est impensable qu'à l'époque le producteur avait mis sur pied Le poing de la vengeance (Dragon Fist), un kung fu où l'acteur devait incarner un vengeur, un bagarreur monolithique. Cette décision confirme qu'à l'époque Lo Wei était complètement dépassé, aussi bien dans ses films que dans ses choix. Comme toutes les autres productions, l'œuvre connut un cuisant échec. Mais contre toute attente, Jackie Chan s'y montre très convaincant.

Vainqueur d'une compétition martiale, un grand maître se fait tuer par un rival amoureux. Son disciple, ainsi que sa femme et sa fille, se rendront chez le meurtrier pour le venger. Arrivé sur place, ils constateront que la région est soumise à des tyrans qui sont combattus par l'homme qu'ils cherchent à tuer.

Jackie Chan traverse tout le film en ne décrochant pratiquement aucun sourire. Jouant tout de l'intérieur, il convainc et croit à cette histoire de vengeance. Sans trop ce fouler, le film se suit agréablement. Enchaînant les péripéties et traîtrises, Le poing de la vengeance est un bon kung fu dans la moyenne du genre. Encore une fois très bon casting (James Tien, Ko Keung, Chui Fat, Yen Shi Kwan, Eagle Han, Nora Miao…), musique sympathique, tout concorde à faire du poing de la vengeance un divertissement carré et efficace.

Après cet échec au box-office, Lo Wei ne porte plus d'intérêts à sa star (maudite). Il acceptera sans hésiter de le confier à un autre studio, la Seasonal films, le temps de deux productions. La suite appartient à l'histoire du film de kung fu. Le Chinois se déchaîne (Snake in the Eagle's Shadow) et Le maître Chinois (Drunken Master) seront des triomphes au box-office, causant une envie créatrice sans fin de Jackie Chan.

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