Le septième art est pour elle un espace de liberté. Elle l'aborde d'abord par un petit rôle dans Paroles et musique d'Elie Chouraqui. Ses premiers rôles jouent sur sa nature, ses personnages se nomment d'ailleurs Charlotte. C'est avec l'Effrontée de Claude Miller que la jeune fille se fait l'interprète intense du malaise de l'adolescence. Cela lui vaut un César du meilleur espoir en 1985. La jeune fille encore timide continue d'impressionner dans La Petite voleuse, fondé sur un synopsis de François Truffaut. Il y a en elle une force sauvage, que voile sa réserve et sa voix qui murmure. Elle sait exprimer d'intenses blessures. Pourtant, même avec la reconnaissance précoce qu'elle récolte, elle ne s'est pas encore fixée sur le métier d'actrice.
C'est grâce au grand Bertrand Blier et à son foisonnant Merci la vie que la jeune femme a le déclic. Elle surprend une première fois et casse son image d'ado rebelle et marginale. On la découvre provocante, parfaitement à sa place dans l'univers irrévérencieux et surréaliste du cinéaste. Elle se dévoile, ironique et outrée à l'occasion, brisant véritablement sa coquille aux côtés d'Anouk Grinberg dans ce chef d'oeuvre brillant et expérimental. Elle a 18 ans sur le tournage et s'y affirme en tant que comédienne. C’est le dernier film que Serge verra de sa fille. Elle côtoie aussi Yvan Attal dans Aux yeux du monde d'Eric Rochant en 1990 et le retrouvera dans Amoureuse de Jacques Doillon.
Charlotte, pas encore débarrassée des clichés qui lui collent à la peau, va élargir ses horizons. Elle donne vie au romantisme sombre de Charlotte Brontë dans Jane Eyre dont elle campe l'héroïne sous la direction de Franco Zeffirelli.
Charlotte surprendra désormais assez régulièrement, privilégiera les univers singuliers, dans Grosse fatigue de Michel Blanc ou dans les méandres d'Anna Oz. Elle sera également dans une touchante histoire d'amour dans Felix et Lola de Patrice Leconte, s'imposera dans une comédie romantique de Marion Vernoux, Love, etc.
On salue l'originalité de son rôle dans La Bûche de Danièle Thompson qui lui vaut un autre César. Charlotte Gainsbourg y est célibataire et ironique, révèle sa fantaisie. Yvan Attal, lui offre un rôle à la hauteur de sa beauté, une véritable déclaration d'amour dans Ma Femme est une actrice en 2001. Elle y est rayonnante de charme, d'énergie et de légèreté, comme elle le sera dans son opus suivant trois ans plus tard, Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.
Ainsi révélée sous un nouveau jour, Charlotte s'en donnera à coeur joie en 2006 dans Prête moi ta main, dans un simulacre de mariage avec Alain Chabat. Elle prend un plaisir manifeste à débiter des horreurs pour que la famille envahissante du célibataire endurci perde toute envie de le voir casé.
Elle se joint ensuite à un autre univers atypique, celui de Michel Gondry, dans La Science des rêves où elle est la charmante voisine d'un rêveur chronique, Gael Garcia Bernal. Elle joue dans le plus conventionnel L'un reste, l'autre part de Claude Berri avant d'aborder l'univers inquiétant de Lemming de Dominik Moll.
Sa trajectoire se dessine maintenant, de plus en plus évidente. Elle se joint à des oeuvres d'une grande ambition artistique. Charlotte participe à l'évocation de l'émigration des Italiens démunis voulant gagner l'Amérique dans l'envoûtant Golden Door en 2007 (film poétique rappelant America, America de Kazan).
Quelque temps auparavant, elle a été la femme dévouée d'un Sean Penn cardiaque dans l'excellent 21 grammes d'Alejandro Inarritu où elle livre une prestation émouvante. Elle va conter une autre histoire d'amour tourmentée dans I'm not there de Todd Haynes, dans le volet inspiré de la vie privée de Bob Dylan, formant un duo solaire avec Heath Ledger.
Enfin il y a Antichrist, avec un autre couple brisé. Son personnage ressent une culpabilité dévorante après la mort de son fils. Cela va finir par l'engloutir. On a vu que Charlotte pouvait s'abandonner à des univers, aller très loin et à l'encontre de la réserve qu'on lui a longtemps prêtée
Ainsi, à sa manière discrète et élégante, Charlotte Gainsbourg s'est composé un univers, une trajectoire intransigeante et bien à elle. Elle porte fièrement son nom et ses origines glorieuses, en perpétue la légende. Devant la beauté de la dame, son intégrité et les inspirations multiples auxquelles elle se consacre avec intensité (y compris dans ses disques qui sont des petites perles), elle est de ces gens rares, sensibles et raffinés dont il est bon de partager l'univers. On admire fort l'artiste de n'avoir pas fait dans la facilité ou l'évidence. Alors, on fredonne toujours un admiratif « Charlotte for ever » en rêvant à son avenir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire