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lundi 18 janvier 2010

LES "DIRECTOR's CUT"


Alors qu’il n’y a pas si longtemps, la moindre mention « unrated » ou « director’s cut » suffisait à rendre fou tout amateur de DVD qui se respecte, l’acharnement dont font preuve les éditeurs pour vendre tout et n’importe quoi à leurs clients frise souvent le ridicule.

Du temps de la VHS, l’acheteur n’avait pas vraiment le choix. Les éditeurs ne se préoccupant guère de leurs acheteurs, les K7 vidéos ne proposaient souvent rien d’autre que le film lui-même. Puis vint le Laserdisc, énorme galette numérique qui a ruinée bon nombre de passionnés (fallait être sérieusement accro pour claquer pas moins de 800 francs pour un film). Proposant presque systématiquement les oeuvres dans leurs formats d’origine (ce qui le différenciait d’office de la VHS), le laserdisc est considéré comme le véritable point de départ des versions longues qui allaient déferler par la suite. Découvrir les copies complètes et non censurées de Tueurs Nés, Jason Goes to Hell, T2, Fantômes contre Fantômes ou Pulsions n’étaient plus un rêve de cinéphile mais bel et bien une réalité. Vengés de leurs K7 mutilées par des distributeurs peu scrupuleux ou des chaînes télés trop frileuses (M6, pour ne pas la nommer), les consommateurs pouvaient enfin visionner, chez eux et dans des conditions optimales, leurs films favoris dans des montages approuvés par les réalisateurs. Les éditeurs américains n’étant pas tenus par la loi de soumettre leurs films à la MPAA avant leur parution en vidéo, le nombre de métrages disponibles dans des versions non censurées ont fini par exploser et ont imposé le LD comme l’ultime refuge des cinéastes brimés par la censure. Un film comme Scream subit les foudres de la MPAA avant sa sortie en salles ? Pas de problèmes, le film aura droit à son director’s cut en LD. La VHS tentera bien de surfer sur la vague en éditant à la bourre quelques versions longues mais c’était trop tard, le numérique ayant déjà gagné la bataille. Face au succès remporté par ces montages inédits, le nombre de disques dits « director’s cuts » ou « unrated» ne cesse d’augmenter aussi vite que les portefeuilles de collectionneurs se vident. Et une telle frénésie éditoriale profite à tout le monde : les artistes sont heureux, les fans sont comblés et les studios se remplissent les poches. Lorsque le DVD fait son entrée à la fin des années 90, les éditeurs continuent logiquement sur leur lancée et inondent le marché de versions longues. Les appellations se multiplient dangereusement (au choix, « inédite », « unrated » ou « extended ») et quelque part, c’est déjà le début de la fin.

Depuis quelques années, les éditeurs se sont bien rendus compte que les chiffres de vente autrefois mirobolants du DVD ne pouvaient aller crescendo. Pour combler le manque à gagner, plusieurs parades feront surface. La première consiste à placarder en gros la mention unrated sur des films qui n’auraient jamais étés classés NC-17 ou X (Le Fils de Chucky, Cry_Wolf, Welcome to the Jungle). C’est simple, ça ne coûte pas cher et ça fait passer le moindre DTV pour un monument du gore. La deuxième (plus coûteuse mais très rentable) est de ressortir en version longue inédite de films déjà parus en DVD. Pour ce faire, ces éditeurs peu scrupuleux se contentent d’intégrer au chausse pied et sans l’aval des réalisateurs des scènes coupées ou rallongées qui n’auraient jamais du sortir de leur station Avid. Que ce soit Donnie Brasco, Les Larmes du soleil ou encore Wolf Creek, l’arnaque est toujours la même et marche pourtant du tonnerre (les ventes de DVD unrated explosent celles de éditions classiques). Il y a de quoi perdre son latin face au cynisme de ces éditeurs yankees qui utilisent sans vergogne des accroches aussi trompeuses que racoleuses (« Too hot for theatres ! », « The Version you couldn’t see in theatres !») quand bien même ces versions dites « inédites » ou « extremes » n’incluent en tout et pour tout qu’une poignée de dialogues et scènes additionnelles. Les responsables de ce révisionnisme forcé pourraient bien ménager la chèvre et le choux en proposant au consommateur les différentes versions sur un même disque (voire l’excellente édition de Rencontres du troisième type) mais, préférant limiter les dépenses, ils favorisent systématiquement leurs nouveaux montages maison (quitte à faire disparaître la version salle). Au vu des possibilités techniques énormes offertes par le DVD et la HD, il y a de quoi enrager…

L’appellation « director’s cut » qui orne bon nombre de jaquettes ne vaut guère mieux et ajoute encore à la confusion. Les montages soi-disant « approuvés » du Roi Arthur d’Antoine Fuqua, Chambre 1408 de Mikael Hafstrom ou Hollow Man de Paul Verhoeven (pour ne citer qu’eux) ne sont en rien des versions définitives et supervisées par leurs auteurs respectifs mais bel et bien des assemblages bâtards, qui n’ont d’autre but que de faire cracher quelques euros supplémentaires aux pigeons que nous sommes. Impossible de savoir avec assurance quelle version choisir au moment de l’achat puisque suivant les cas c’est parfois la version salles qu’il faut privilégier pour jouir du montage validé initialement par le réalisateur ! A force de subir des films labellisés n’importe comment, l’acheteur potentiel risque de passer à coté de véritable remontages salvateurs (Stay Alive, Troie, DareDevil, Payback) qui reflètent véritablement la vision artistique de leurs auteurs et proposent une véritable alternative. Pour s’y retrouver dans ce maelström de versions alternatives, les cinéphiles n’ont plus qu’à éplucher les sites spécialisés (comme l’excellent Schnittberichte.com) et lire avec attention les interviews données par leurs réalisateurs favoris. Un véritable travail d’investigation, en somme…

source :
http://www.mad-movies.com/mad/dossier-280-le-business-des-versions-unrated.html
Jean-Baptiste Herment

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