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vendredi 3 décembre 2010

KOUNEN parle de COCO CHANEL son film


EXTRAIT DE L'INTERVIEW DE YAN KOUNEN


Nombreux sont ceux qui sont passés à côté de Coco Chanel et Igor Stravinsky, le nouveau film de Jan Kounen sorti le 31 décembre dernier au cinéma. Et pour cause : le film est complètement passé sous le radar, n'attirant qu'environ 150.000 spectateurs dans les salles.

C'est peut-être caricatural, mais on pourrait dire que vous avez été haï pour Doberman et Blueberry, aimé pour 99 FRANCS et ignoré avec Coco Chanel & Igor Stravinsky. Quelle est votre analyse de tout ça ?

J'ai vraiment du mal à sentir les choses comme ça... Pour Coco & Igor par exemple, j'ai du mal à dire qu'il a été ignoré : nous avons été sélectionnés à Cannes, le film a beaucoup vécu à l'étranger, et beaucoup de journalistes qui n'aimaient pas mes précédents films ont écrit des jolies choses dessus. Et vice-versa d'ailleurs, certains qui m'aimaient bien pour mes autres films ayant moins aimé celui là. Alors oui, je peux comprendre cette vision, mais je ne le vis pas comme ça. Quand tu fais un film, d'abord tu analyses le regard de la profession et ensuite l'adéquation entre ce que tu fait et le public que ça touche, tout ça pour rester dans une sorte d'équilibre. 99 FRANCS a permis à la profession, c'est à dire les producteurs et les financiers, de se dire "Tiens, il a quitté ses sphères mystiques, il est revenu chez nous pour faire des films". Ce film m'a aussi permis de revenir faire un tour dans un monde que je connais bien, celui de la publicité. Pour Coco Chanel et Igor Stravinsky, il y a deux catégories de gens dans la profession : ceux qui ne l'ont pas vu - ils sont nombreux et le DVD va être l'occasion de rattraper ça - et ceux qui l'ont vu et qui ont constaté que j'étais capable de faire un film très différent de tout mes précédents. J'ai donc depuis reçu des propositions de films venant de producteurs qui avant ne se tournaient pas vers moi. En ce moment, le raisonnement dans la profession autour de mon nom est "Ce réalisateur peut donc faire des choses très différentes... alors pourquoi pas ça.". Depuis Coco & Igor j'ai donc reçu beaucoup de projets et surtout dans un spectre de genres beaucoup plus varié qu'auparavant. Je vis ça comme quelque chose de très positif : je n'essaye pas de développer un genre de films en particulier, mais de raconter des histoires atypiques. Et puis au final, en tant que cinéaste, je suis très content de mon film.


Les scènes coupées montrent encore plus à quel point le film est une toile d'araignée, un puzzle des sentiments des personnages. Comment leur retrait a été décidé ? C'est toujours intéressant les scènes coupées. Après le premier montage, on se retrouve avec un film donc chaque scène a une fonction bien précise. Au début de Coco et Igor par exemple, il y a une scène où on voit Stravinsky et sa famille dans leur minuscule appartement parisien : on comprend donc qu'ils sont en exil. En l'état, cette scène sert à expliquer les origines du personnage. Mais en regardant ce premier montage, je me suis rendu compte que cette scène ralentissait le rythme de la narration, et qu'en plus les images de la guerre et celles d'Igor à Paris, que je mettais juste avant, suffisaient parfaitement à ce que le spectateur comprenne que ce personnage est en exil. Qui plus est, dans une des scènes suivantes, lorsque Coco lui propose de venir vivre chez lui, Igor dit mot pour mot qu'il a une femme et des enfants. Si à la base je voulais que le spectateur découvre au fur et à mesure la situation de ce personnage, je me suis donc rendu compte au montage que j'enchaînais du coup beaucoup trop d'explications. Il vaut mieux parfois jouer sur le registre de la sensibilité du spectateur : ce qu'il a vu lui permet de tirer la bonne déduction. Si au moment du tournage cette scène semblait donc indispensable, et qu'elle a beaucoup servi aux acteurs pour encore mieux situer leurs personnages, au montage elle devenait à l'évidence inutile car elle répétait ce que le spectateur avait déjà bien compris. Donc je l'ai coupé. D'autres scènes sont coupées car trop redondantes, trop informatives, ou simplement inutiles.

On dirait presque que couper des scènes vous plaît.C'est vrai ! Vous allez avoir du mal à me croire, mais je coupe toujours le plus beau plan dans tous mes films. C'est toujours celui qui est le plus mis en scène, ce qui peut nuire au final. Dans Blueberry par exemple, c'était un travelling demi-compensé à la technocrane insensé que j'avais fait sur Temuera Morrison et le chaman : le résultat était très beau, très léché, mais il valait mieux finalement dans l'histoire qu'on ne le voit pas. Dans Doberman, j'avais fait un très long plan séquence dans la casse de voitures, que j'ai finalement coupé en une dizaine de bouts, parce que ça nous servait plus d'avoir un dialogue découpé. Tout ces décisions ne tournent autour que d'un problème : trouver l'essence d'une scène et d'un film. J'adore couper... Etonnant non ? Ca doit venir de mon expérience en publicité. J'ai souvent fait des pubs de une minute, que finalement on me demandait de réduire à 30 secondes : j'avais l'impression de les massacrer au montage... pour finalement souvent me rendre compte qu'elles étaient un peu mieux une fois réduites de moitié. J'ai vraiment appris à séparer l'affectif que j'ai pour les images que je tourne de leur utilité dans le film. Il faut savoir évacuer toute cette dimension émotive et ne pas hésiter à couper des plans qu'on a adoré tourner lorsque c'est nécessaire.


Quel est votre prochain film ?
Je ne sais pas vraiment ! Je suis en train d'écrire une suite à 99F qui s'appelle 99 roubles. Je n'ai jamais voulu faire de suites à mes films, mais là c'est différent : il y a le roman de Begbeider et je trouve que le sujet vaut vraiment la peine de réveiller Octave, de le ressusciter des tréfonds de 99F en quelque sorte. C'est assez agréable. J'ai différents projets de films, qui avancent aussi, chacun différemment. Mais en fait mon occupation la plus concrète de ces derniers temps était un livre, "Carnets de voyages intérieurs", qui raconte toutes mes aventures que j'ai eu depuis dix ans avec les indiens d'Amazonie. C'est un livre de témoignages, intime, assez drôle, et avec beaucoup de cinéma dedans ! Il sortira en mars 2011.

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