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mardi 4 octobre 2011

IL ETAIT UNE FOIS UN FLIC.. OU VOYOU


Mis en examen pour corruption et trafic de stupéfiants, Michel Neyret n'a pas pu convaincre ses collègues de son innocence.
afp.com/Philippe Merle

Michel Neyret a été mis en examen et va être suspendu ce mardi. Le n° 2 de la police lyonnaise est soupçonné de corruption et de trafic de stupéfiants. Portrait d'un commissaire qui était jusqu'alors une référence dans la lutte contre le banditisme.


La rue était son do­maine et Lyon, sa ville. Michel Neyret y avait forgé sa légende. "Mickey", comme le surnommaient ses collègues, ne reculait jamais devant les planques de nuit, les interpellations au petit matin. Celui qui est devenu à 55 ans un grand flic déchu savait aussi traiter les "indics", voire consoler les prostituées. Rien de ce monde interlope, de ce Lyon des malfrats ou des trafiquants en tout genre, ne lui était étranger. Il y puisait des tuyaux, des pistes, l'adrénaline d'une carrière entamée à 26 ans dans la lutte contre le grand banditisme, sa vie.

Pendant de longues années, cette méthode vieille comme la police, inaugurée dès son premier passage (1983-2004) à l'antenne lyonnaise de l'Office central pour la répression du banditisme (OCRB), prouve son efficacité. Elle lui permet de rester au contact des nouveaux voyous, les caïds des cités. Dans son bureau, la radio branchée sur la fréquence des patrouilles, le commissaire écoute la musique de la rue: braquage à Villeurbanne, tirs à la Duchère, agression sur la presqu'île...

Il agit en "tôlier", chef de bande chaleureux et respecté de ses troupes. Mais gare aux services ou aux collègues enclins à empiéter sur ses terres: il est capable de grosses colères, de celles qui font trembler les murs. Personne ne lui résiste. Les policiers aujourd'hui mis en cause avec lui dans cette affaire de corruption et de trafic de stupéfiants en savent quelque chose: lorsque Mickey leur a réclamé la drogue qu'ils devaient détruire, ils n'ont pas su lui dire non. Le cannabis servait à rémunérer en toute illégalité ses indics.


Comment s'opposer à un flic auquel tout semble réussir?

En 1995, il participe à l'arrestation d'un réseau islamiste en banlieue lyonnaise. En 2003, au terme d'une course-poursuite, son équipe récupère dans la Drôme les évadés de la prison de Luynes. Les éloges pleuvent, le "héros" reçoit la légion d'honneur. Ce jour-là, "son discours laisse même transparaître une fragilité inattendue", se souvient un témoin de la scène. Il évoque un frère qui aurait dû être là, et paraît un instant au bord des larmes.

Un "exil" douloureux l'attend. En novembre 2004, il quitte Lyon pour la direction de l'antenne de police judiciaire (PJ) de Nice (Alpes-Maritimes) et une promotion au grade de commissaire divisionnaire. La directrice de la PJ de l'époque, Martine Monteil, le jugeant "bon chasseur", l'a convaincu d'accepter cette mutation, avec la promesse d'un retour rapide. Mais ce départ marque une "rupture intime", confie un autre responsable policier l'ayant eu sous ses ordres. Son épouse, propriétaire d'un hôtel de luxe à Vienne (Isère), ne l'accompagne pas. Sur la Côte d'Azur, le fonctionnaire à la réputation irréprochable se laisse bientôt aller aux errances de la vie nocturne, cède aux conquêtes faciles. Il se sépare un moment de sa femme.

Les jours de procès, Neyret s'assied au fond de la salle d'audience, salue les connaissances, caïds ou demi-sel

A son retour à Lyon, en 2007, Michel Neyret est promu adjoint du directeur interrégional de la police judiciaire. Il ne change pas ses habitudes. Impossible de décrocher. Soucieux de conserver le contact avec ses informateurs, il promène sa silhouette élancée de baroudeur au style savamment négligé -cheveux longs, barbe à la Gainsbourg, costume noir- au palais de justice de Lyon, pour mettre à jour son bottin de la truanderie. Le rite semble immuable: les jours de procès, Neyret s'assied au fond de la salle d'audience, salue les connaissances, caïds ou demi-sel. Un jour, peut-être, par vengeance, amitié ou intérêt, l'un d'eux sera un allié de circonstance.

Fréquenter les meilleures tables, conduire une Ferrari...

Ses amis, pourtant, le trouvent changé depuis sa première époque lyonnaise. "Il avait la tête à l'envers", admet un proche. Le nouveau Neyret, mélange de toute-puissance et d'incertitude - il appelle ça son "syndrome de Peter Pan" -, aime se montrer. Fréquenter les meilleures tables aux halles de Lyon. Circuler au volant d'une Ferrari prêtée. Voyager, aussi: au Maroc, en Tunisie, il joue au golf en compagnie de Gilles Benichou, l'ami voyou avec lequel il sera trop bavard au téléphone. Surtout, il devient une célébrité lyonnaise: le dernier numéro du magazine Lyon people le range encore au 22e rang des 100 personnalités locales.

Vie de flic, vie de star? Les feux de la rampe le fascinent. Avec, en point d'orgue, sa rencontre avec le cinéaste Olivier Marchal, en 2009. Ancien inspecteur, le réalisateur de 36, quai des Orfèvres est une sorte de Neyret en plus triste, en plus tourmenté. Cette fois, il s'intéresse au gang des Lyonnais, des braqueurs d'autrefois. Le commissaire le renseigne sur la bande à "Monmon" Vidal, ce qui le persuade de réécrire le rôle du flic afin de modifier la psychologie du personnage. Invité sur le tournage à Marbella (Espagne), Neyret passe trois jours sur place, obtenant même, comme l'a révélé le quotidien Le Progrès, pour son ami Benichou, un petit rôle de... policier!

Depuis, la lumière s'est éteinte. Elle s'est effacée dans la pénombre d'une cellule de garde à vue. Mis en examen pour corruption et trafic de stupéfiants, Michel Neyret n'a pas pu convaincre ses collègues de son innocence. Ils le soupçonnent, au mieux, d'avoir livré des informations confidentielles au milieu; au pire, d'avoir été corrompu. Michel Neyret risque de méditer longtemps sur la chute d'un "grand flic".









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