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samedi 7 décembre 2013

EDOUARD MOLINARO 1928-2013





 

 
Hibernatus, La cage aux folles, Oscar, L'emmerdeur, Pour cent briques t'as plus rien sont orphelins. Leur papa, le réalisateur Édouard Molinaro  est mort aujourd'hui. Pape de la comédie à la française, il était l'un des cinéastes fétiches de Louis de Funès et attirait des millions de cinéphiles dans les salles obscures. Il faisait du cinéma commercial et n'avait ni peur ni honte de le revendiquer.
Né à Bordeaux en mai 1928, Molinaro s'était également, dans les années 1990, fait une spécialité des films d'époque en costume. On lui doit ainsi l'adaptation du Souper et un flamboyant Beaumarchais avec Fabrice Luchini

En 1985, Molinaro révèle dans L'amour en douce une comédienne sculpturale et sensuelle : Emmanuelle Béart. Parfois raillé dans son pays, le réalisateur acquiert une stature mondiale en propulsant dans le monde entier la saga La cage aux folles, dont il réalisa les deux premiers épisodes en 1978 et en 1980. Le film recevra un accueil triomphal aux États-Unis et suscitera de multiples suites et adaptations.


C’était la modestie même. De tous ses films, Edouard Molinaro , décédé le 7 décembre à l’âge de 85 ans, n’aimait que l’un de ses tout premiers : La Mort de Belle, d’après Georges Simenon, tourné en 1961, avec Jean Dessailly et Alexandra Stewart. Ouvre étrange, poétique, délicate. Bide total, difficilement visible, aujourd’hui… A cette époque – la fin des années 50 – il ose, il invente… Avant Louis Malle et Ascenseur pour l’échafaud, où Miles Davis joue un rôle musical si important, il demande à Art Blakey et ses Jazz Messengers de meubler le générique de Des femmes disparaissent (1958). Et quand l’échec de La Mort de Belle le pousse à réaliser un polar, il fait des Ennemis (récemment édité par SNC Les Classiques français) un bijou fantaisiste où même Roger Hanin est irrésistible : c’est dire ! La encore, le jazz est primordial : cette fois, c’est Martial Solal qui est aux commandes…
 
Du rythme, du rythme, du rythme… Les comédies qu’il tourne dans les années 60 filent à toute allure, avec un montage sec, elliptique qui élimine l’ennui : Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Jean-Claude Brialy, Jean-Pierre Cassel, Françoise Dorléac), Une ravissante idiote (Brigitte Bardot et Anthony Perkins). Et surtout La Chasse à l’homme (1965), petit joyau où le clan des mecs (Belmondo, Brialy, Claude Rich), opposé a celui des nanas (Dorléac, encore, Marie Laforêt et une quasi débutante nommée Catherine Deneuve, dont on découvre la vraie voix après l’avoir entendue, doublée, dans Les Parapluies de Cherbourg) se livre à une guerre des sexes féroce, arbitrée par les répliques de Michel Audiard.
 
C’est là qu’on entend le fameux : « Deux milliards d’impôts nouveaux ? Moi, j’appelle plus ça du budget. Mais de l’attaque à main armée ». Sans oublier le génial : « Personne n’a pu tomber amoureux de papa. Maman a essayé »…



Molinaro tourne avec des monstres sacrés, aussi, et ça se passe mal. C’est que « Doudou », comme l’appellent ses intimes, ne rit jamais sur un plateau et Louis de Funès déteste qu’un metteur en scène garde son sérieux devant ses gags et ses grimaces. Le tournage d’Oscar est électrique. Quelle réussite, pourtant !
 

Et si « Fufu » y est génial, Edouard Molinaro y est pour beaucoup qui parvient à allier l’hystérie de son comédien à son goût du rythme gracieux à l’américaine, style Howard Hawks. Il aura tourné du bon (Le Gang des otages, méconnu, comme La Mort de Belle, dans un style presque documentaire). Du moyen (Beaumarchais l’insolent, avec Fabrice Luchini). Et du mauvais (La Cage aux folles 1 et 2, où un autre monstre sacré, Ugo Tognazzi, le fera beaucoup souffrir). Ces films seront, à la fois, des triomphes et sa perte, puisqu’ils l’enfermeront, peu à peu, dans un cinéma commode qu’il n’avait pas la force de refuser. C’est à la télé, curieusement, qu’en fin de carrière, il réussit à s’épanouir en adaptant Stefan Zweig (La Pitié dangereuse, avec Michel Piccoli), Henry James (Ce que voulait Maisie, avec Evelyne Bouix) ou Balzac (Nana, avec Lou Doillon). Edouard « Doudou » Molinaro faisait partie de ce qui manque le plus au cinéma français actuel : des artisans, forcément méprisés, dont on s’aperçoit toujours, mais trop tard, qu’ils étaient indispensables.
 
 
 
 filmograhie
 
1958 : Le Dos au mur 1959 : Des femmes disparaissent 1959 : Un témoin dans la ville 1960 : Une fille pour l'été 1961 : La Mort de Belle 1962 : Les Ennemis 1962 : Les Sept Péchés capitaux, film à sketchs; ép. L'Envie 1962 : Arsène Lupin contre Arsène Lupin 1964 : Une ravissante idiote 1964 : La Chasse à l'homme 1965 : Quand passent les faisans 1967 : Peau d'espion 1967 : Oscar 1969 : Hibernatus 1969 : Mon oncle Benjamin 1970 : La Liberté en croupe 1971 : Les Aveux les plus doux 1972 : La Mandarine 1973 : Le Gang des otages 1973 : L'Emmerdeur 1974 : L'Ironie du sort 1975 : Le Téléphone rose 1976 : Dracula père et fils 1977 : L'Homme pressé 1978 : La Cage aux folles 1979 : Cause toujours... tu m'intéresses ! 1980 : Les Séducteurs, film à sketchs coréalisé 1980 : La Cage aux folles 2 1982 : Pour 100 briques t'as plus rien... 1984 : Just the Way You Are 1985 : Palace 1985 : L'Amour en douce 1988 : À gauche en sortant de l'ascenseur 1992 : Le Souper 1996 : Beaumarchais, l'insolent 2007 : Dirty Slapping, court métrage
 
 
 
 
 
Ils avaient fait deux films ensemble, “Oscar” et “Hibernatus”. Les rapports furent houleux entre Édouard Molinaro, jeune réalisateur en contrat avec la Gaumont et Louis de Funès, la star qui aurait souhaité tout contrôler. Nous republions cet article à l'occasion de la mort d'Édouard Molinaro.
 
 
Au cinéma, il y a des tournages idylliques qui donnent de... mauvais films, et des tournages crispés au possible qui donnent de bonnes comédies ! La preuve par deux avec Oscar et Hibernatus, d'Édouard Molinaro, deux triomphes pour de Funès et deux de ses meilleurs films. Entretien avec un réalisateur (trop) modeste qui, certes, riait « en dedans », mais comprit mieux que beaucoup d'autres la mécanique de Louis, histrion sous pression.
 
Vous avez eu des rapports difficiles avec de Funès ?
Il n'aimait pas être dirigé. Sur le tournage d'Oscar, il trouvait que je faisais trop de plans. Je voulais pouvoir être maître de mon montage, mais il préférait les plans à deux personnages. Des plans cadrés, fixes, à l'américaine, pour avoir la mainmise sur le plan et ne pas être « trahi ». C'est vrai que le montage est une trahison permanente pour les comédiens car c'est le cinéaste qui maîtrise le rythme, contrairement au théâtre. Dans le film, je le reconnais, toutes les trouvailles folles sont de lui. Il les avait créées auparavant en jouant la pièce. Je ne suis pas un grand amateur de vaudeville - c'est aussi pour cela que je n'étais pas très heureux sur ce film -, mais j'avais trouvé la pièce efficace quand je l'avais vue, avec Pierre Mondy dans le rôle principal. Quand Louis l'a reprise, je ne l'ai pas vue. Donc je connaissais la pièce, mais je ne savais pas ce qu'il lui avait apporté ! Ça été une vraie découverte sur le tournage. Il tenait à refaire la même chose que sur scène, et il avait raison ! Moi, j'étais là avec ma pauvre caméra, et c'était lui le chef.
 
Comment vous êtes-vous retrouvé sur Oscar puisque ce n'était votre tasse de thé ?
J'étais sous contrat avec la Gaumont. Et lui aussi. Je venais de faire un film qui avait mal marché et j'étais content de me relancer dans un projet plus commercial. Les rapports ont été bons avant de débuter le tournage. Je lui ai parlé des décors que j'imaginais, sur trois niveaux : le niveau jardin intérieur, le niveau de l'appartement général, et le niveau bureau et salle de gym. Dans la pièce, il y avait trois actes avec deux entractes qui représentaient des évolutions dans le temps en dehors de l'histoire. Moi, mon idée a été de couper tout ça et de faire coïncider le temps de l'action avec le temps de la projection. Un film sans ellipse.
 
C'est vous, au cinéma, qui avez créé l'unité de lieu et de temps !
La pièce avait l'unité de lieu mais pas de temps. Le lieu, je l'ai démultiplié en hauteur, et le temps, je l'ai resserré. Mais lui a apporté son génie de l'invention comique. C'est fou de dire ça, mais je crois que son comique venait d'une sincérité absolue des sentiments. Par exemple, quand il était en colère, véritablement hors de lui, comme on dit, cela donnait une expression comique incroyable. Cela marche pour tous les autres sentiments : la servilité, la joie... Il surexprimait dans la sincérité. Car il trouvait que les textes n'étaient jamais assez porteurs des sentiments et des situations. Il sentait tout à l'instinct. Ce n'était pas un intellectuel, et il était difficile de lui expliquer la continuité, la logique de l'histoire. Il était dans l'efficacité de la scène. Donc sa « construction » ne correspondait pas à celle du metteur en scène.
 
Quels ont été vos conflits ?
Ils étaient sous-jacents jusqu'au jour où ils ont éclaté sur un détail. Sur le chapeau de la bonne ! Il voulait qu'elle porte un chapeau extravagant à partir du moment où elle devient baronne. La pauvre Dominique Page, qui jouait le rôle... Moi, je voulais lui mettre un chapeau normal... Il s'est fâché. A arrêté de tourner. Il a fallu que le producteur vienne faire le plénipotentiaire. Ce fut le moment de crise. Le reste du temps, il faisait la gueule. Il n'était pas hostile. Juste fermé. Nous n'avons jamais pris un café ensemble. Il faut tout de même imaginer son angoisse, mettez-vous à sa place, on vous dit : « Moteur, ça tourne, fais-nous rire maintenant ! » On attendait énormément de lui. Il fallait qu'il soit drôle. Et il savait bien que ce n'était pas si simple. Quand la prise ne lui plaisait pas, qu'il était mécontent de lui ou d'un de ses partenaires, il trouvait un moyen de la faire cesser. Par exemple, il riait et... il détruisait la scène.
 
Il était exigeant avec ses partenaires ?
Oui, et j'ai eu un autre conflit avec lui à propos de Claude Rich. Il voulait que Claude joue dans le même registre que lui. Ma théorie était, au contraire, qu'il devait être distant, flegmatique face à l'expansion de Louis. Le contraste m'amusait. Pas Louis. Ce qui ne m'empêche pas de reconnaître l'immense comédien qu'il était. Je ne sais pas s'il faut dire comédien, mais plutôt vecteur de comique : un créateur. Et il n'avait aucun désir de jouer des rôles dramatiques, j'en suis certain. Il voulait rester dans ce qu'il savait faire, et ce qu'il savait faire, la comédie, c'était le plus difficile.
Quand vous disiez « moteur », son inventivité vous surprenait ?
Oui ! En répétition, quand on décidait de la place de la caméra, de la lumière, il ne donnait rien. Il indiquait ce qu'il allait faire, mais ne le faisait pas. Il réservait son énergie. Et on était tout le temps surpris. Mais je n'ai pas le rire facile et Louis me le reprochait : « Cela ne vous fait pas rire ce que je fais ? » Si, énormément, mais cela ne se voyait pas sur mon visage. Je suis du genre à rire intérieurement ! Si j'avais été moins jeune, si j'avais eu plus de maturité, j'aurais fait semblant. Il avait besoin d'un public, je le comprends. La scène du nez, par exemple, il ne voulait pas la faire. Pour lui, ce n'était possible qu'au théâtre, avec un public. J'en ai donc recomposé un en allant chercher tous les techniciens des autres films qui se tournaient à Billancourt sur les plateaux voisins. Il avait fallu lui donner un public meilleur que moi. Pourtant, bien longtemps avant, en 1954, j'avais ri de manière très expressive en le voyant plusieurs fois dans Ah ! les belles bacchantes, au Théâtre Daunou, car j'avais une petite amie parmi les danseuses. Il était incroyable. Oui, je crois que je n'ai jamais ri comme ça de ma vie.
Oscar, donc, se passe mal, et pourtant vous signez pour Hibernatus !
Nous nous étions juré ouvertement de ne plus travailler ensemble. Et deux ans après... Oscar avait eu un tel succès. Un spectateur, en province, avait même basculé du balcon d'une salle de cinéma tellement il riait ! La Gaumont nous a rapprochés une deuxième fois. Comme je ne voulais pas compromettre un projet qui me tenait à coeur, Mon oncle Benjamin, que je devais tourner avec la Gaumont, je ne pouvais pas me permettre de refuser Hibernatus, un vaudeville mais bien moins construit qu'Oscar. Un cauchemar dès l'écriture du film. Nous avons fait huit scénarios, que de Funès a refusés les uns après les autres. Pire que ça : nous avons commencé le tournage sur la huitième adaptation, ou la neuvième, et, au bout de huit jours, il a décidé de revenir à... la première ! C'était une star, il était le patron. Le tournage a été très tendu, en situation de paix armée. Heureusement que Claude Gensac était adorable. Elle avait la même légèreté que dans ses rôles. Louis l'adorait. Elle faisait le pont entre lui et moi. J'avais beau être en colère, un jour j'ai dû me détourner de la caméra tellement je riais en le regardant jouer la scène où il explique que sa femme a explosé parce qu'elle a trop mangé. C'était les Monty Python avant l'heure ! Comme cela se passait mal, j'ai voulu partir avant la fin du tournage. C'est Louis qui a voulu que je reste. J'étais prisonnier. Plus tard, sur le tournage de Mon oncle Benjamin, j'ai perdu ma femme, qui s'est tuée en avion. Louis est venu à l'enterrement, il a été charmant. En fait, avec de Funès, nous formions un couple difficile, nous avons enfanté dans la douleur, mais nos bébés ne sont pas trop loupés.

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