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mercredi 4 février 2009

LE PAN & SCAN



La leçon de Cinéma
de Jean Jacques ANNAUD*
LE PAN & SCAN

"Un soir, il y a bien des années de ça, je rentre chez moi et je vois à la télé des images qui me semblent familières mais que je ne reconnais pas tout de suite. Laurence, ma femme me lance depuis l'autre pièce : "Tiens, t'a vu, La Guerre du feu passe à la télé".

A cette époque j'avais cassé ma tirelire pour acheter le plus grand et le plus perfectionné des écrans qui existaient sur le marché. Le film passait dans son format original, en scope, avec deux larges bandes noires en haut de l'écran. Un frisson me saisit. On n'y voit rien. Mes acteurs sont de la taille d'une boîte d'allumettes, leurs visages de la grosseur d'un timbre poste.
A l'époque, par moutonnisme, pour faire comme tout le monde, je m'étais battu avec les autres cinéastes pour que les films ne passent que dans leur format d'origine. J'ai coupé la télé et changé mes idées. D'abord, le format original d'un film de cinéma est… l'écran d'un cinéma. Un film sur un écran de télé n'est plus sur son support original. C'est comme un tableau. Pour voir un Rubens, il faut aller au musée. La toile fait trois mètres de haut sur deux mètres de côté. Il y a peu de repros dans les livres qui ont cette taille. En toute logique, un auteur de films cohérent avec le concept de l'intouchabilité de l'œuvre originale devrait interdire toute diffusion ailleurs que sur grand écran. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait avec les Ailes du courage, visible uniquement dans les salles Imax.
La plupart des films français ne sont tournés que parce qu'ils ont été financés par une chaîne de télé et Canal+. C'est la télé qui décide du cinéma. Les films internationaux, américains en tête, se remboursent de la manière suivante : 20 % les recettes salles, 20 % le câble + la télé hertzienne + les avions, 60 % le DVD. Moralité : 80 % des sous viennent des projections du film sur petit écran. On ne cadre pas de la même manière quand on diffuse sur l'écran du Normandie ou du Grand Rex, ou sur la pastille d'un portable. Je le sais à chaque seconde quand, sur le tournage, je mets l'œil dans mon viseur. Depuis Le Nom de la Rose, j'ai pris conscience que je filmais une chose hybride, qui devait s'adapter à deux supports. Les plans larges comme je les aime chez David Lean pour les belles salles, les plans serrés séparés, sur chaque acteur, pour faire comprendre ce qui se passe à tous ceux qui allaient regarder mon film en bout de table face à leur tube cathodique en mangeant leurs pâtes.
Avec L'Ours, quelques années plus tard, j'ai fait un pas supplémentaire. Je me suis dit : "Et si j'avais fait ce film pour la télé, comment l'aurais-je cadré ?". La réponse est disponible sur les rayonnages des magasins de vidéo. Mes distributeurs commercialisent le film sous les deux formats : la version originale pour les puristes qui disposent d'un grand plasma ou d'un home cinéma, la version recadrée pour les autres, les plus nombreux, qui regardent leur petit écran de loin.
Cette version recadrée me prend une semaine de boulot. Je vais dans un labo spécialisé équipé pour le "Pan and Scan". Avec le technicien spécialisé, j'étudie chaque image et je décide comment la traiter en fonction des nécessités de la narration. Si le plan est trop large pour que l'expression de l'acteur soit compréhensible, je resserre. Si le plan fixe de paysage n'est pas assez lisible, je vais panoramiquer à l'intérieur et zoomer sur le détail qu'il est nécessaire de voir. Si l'image est trop sombre pour être supportée par un écran cathodique, je l'éclaircis et tasse le contraste. [...]
En somme, plutôt que de se voiler la face ou de hurler dans la nuit étoilée, les metteurs en scène ont intérêt à retrousser leurs manches. Sinon c'est une machine qui fait le recadrage. Et là, bonjour les dégâts. "

***********
Jean-Jacques Annaud réalise son premier long métrage, produit par Jacques Perrin, La Victoire en chantant, une comédie corrosive sur le colonialisme. Ignoré en France, ce coup d'essai remporte l'Oscar du Meilleur film étranger en 1977, ce qui lui vaut de ressortir dans l'Hexagone sous le titre (traduit de l'anglais) Noirs et Blancs en couleurs.
Dans son deuxième long métrage, Coup de tête, le cinéaste explore l'univers du football et de ses supporters. Porté par l'interprétation de Patrick Dewaere, le film est salué par la critique à sa sortie en 1978. Après ce portrait de la France contemporaine, le cinéaste ne cessera de voyager dans l'espace et dans le temps.
En 1981, Jean-Jacques Annaud réalise ainsi La Guerre du feu, une évocation de la vie des hommes préhistoriques. Ce pari très audacieux (il n'y a aucun dialogue) et couronné de succès (César du Meilleur film et du Meilleur réalisateur) marque le début d'une fructueuse collaboration avec le scénariste Gérard Brach, jusqu'à la mort de celui-ci en 2006.
En 1986, il relève un autre défi : porter à l'écran le best-seller médiéval d'Umberto Eco Le Nom de la rose. Cette fois, c'est un César du Meilleur film... étranger qui viendra saluer cette ambitieuse coproduction internationale avec Sean Connery.
Il s'attaquera en 1992 à un autre roman réputé inadaptable, en tournant L'Amant d'après Duras. Epris d'aventure et de découvertes, Annaud crée une nouvelle fois la surprise en 1988 avec L'Ours, un film animalier qui séduit petits et grands (il reviendra à ce genre en 2004 avec Deux frères) et se lance en 1996 dans un moyen-métrage utilisant le procédé en relief IMAX 3D : Les Ailes du courage.
Installé à Los Angeles depuis 1993, le cinéaste dirige Brad Pitt à l'occasion d'un nouveau film en forme de voyage, Sept ans au Tibet (1997), puis Jude Law dans le film de guerre Stalingrad (2001). Toujours aussi imprévisible, Annaud revisite la mythologie grecque dans Sa Majesté Minor, avec José Garcia et Vincent Cassel.

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