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mercredi 3 mars 2010

LE ROI ARTHUR ou Fuqua vs Bruckheimer


Projet gonflé par excellence que ce Roi Arthur version 2004 qui s'est retrouvé étiré entre deux visions : d'un côté, celle du producteur Jerry Bruckheimer, nabab du blockbuster pop-corn made in US depuis une trentaine d'années et de l'autre, celle d'un réalisateur, Antoine Fuqua. L'idée de départ des deux hommes semblait pourtant identique (sinon, pourquoi travailler ensemble ?) : offrir une relecture de la légende arthurienne selon laquelle ce roi était en fait un serviteur de l'empire romain en terres bretonnes (l'actuelle Grande-Bretagne) au Vème siècle.


Si cette relecture semble parfaitement plausible sur le plan historique, elle se révèle en revanche nettement plus hasardeuse du côté de l'exploitation du film puisque cette histoire est désormais associée à celle d'un roi du XVème siècle, à la tête de son royaume, entouré de son épouse Guenièvre, de son magicien Merlin et de ses fidèles chevaliers de la Table Ronde dont le premier d'entre eux, Lancelot. Mais, si le public peut, dans certains cas, se montrer très permissif face aux idées nouvelles (le film a tout de même attiré 1,6 millions de spectateurs dans les salles en France, soit un assez joli score), il semble en revanche que ce ne soit pas totalement le cas, ici, du producteur dont la vision du projet divergea semble-t-il en partie de celle du réalisateur.

Habitué aux gros budgets (120 millions de dollars dans le cas présent du en grande partie à une reconstitution grandeur nature de l'époque, tout comme le déplorable Prisonniers du temps) accompagnés de sorties estivales en grandes pompes (40 millions de dollars pour la partie marketing), Jerry Bruckheimer envisageait probablement davantage une version Lancelot (la gentille bluette avec Sean Connery, Richard Gere et Julia Ormond) de Gladiator tandis qu'Antoine Fuqua de son côté voyait sans doute plus une déclinaison du film de Ridley Scott à mi-chemin entre le Braveheart de Mel Gibson et le Excalibur de John Boorman.


Mais lorsque l'heure de la sortie sonna, le lourd passé financier du nabab écrasa de tout son poids le malheureux metteur en scène qui vit alors son œuvre amputée non seulement narrativement (quinze minutes environ) mais aussi visuellement (les scènes de batailles édulcorées numériquement, cf. notre news du 19 septembre 2004) avec pour but, comme toujours, de permettre une exploitation maximale du film en salles avec une séance de plus par jour (2h au lieu de 2h15) pour un public plus large (interdiction aux États-unis aux moins de 13 ans non accompagnés et non plus aux moins de 17 ans). Mais à l'arrivée, ce bicéphalisme fut immédiatement sanctionné : Le roi Arthur devint l'un des plus gros bides de toute la carrière du producteur Jerry Bruckheimer pour un projet de cette ampleur (seulement 51 millions de dollars de recettes) et accessoirement l'un des dix plus gros bides de l'année 2004 aux box office américain (cf. notre dossier).



Le roi Arthur : Version (Jerry Bruckheimer) cinéma

En l'état, c'est-à-dire dans sa version « Jerry Bruckheimer » (appelons-là comme telle), Le roi Arthur présente plusieurs qualités non négligeables : le personnage d'Arthur y est tiraillé entre sa loyauté envers une Rome jadis toute puissante et son désir de retrouver ses racines, tout comme ses fidèles chevaliers qu'il souhaite protéger avant tout d'une mort quasi-certaine à chaque nouvelle mission qui leur est confiée. Car, en ces temps éloignés, les conditions de (sur)vie sont pour le moins difficiles comme le souligne la photographie volontairement sale et granuleuse mais néanmoins très soignée de Slawomir Idziak (Bienvenue à Gattaca, La chute du faucon noir). Et tandis que certains se résignaient à leur sort dans l'attente d'un hypothétique souverain au règne plus juste (Arthur libérant les villageois), d'autres optèrent pour les armes (les Guèdes avec à leur tête Merlin et Guenièvre) afin de préserver leurs terres et leur liberté face aux envahisseurs (romains et saxons), se livrant pour y parvenir à des combats sans merci dont la dureté se veut aussi proche que possible de la réalité de l'époque tel que l'ont présenté plusieurs long-métrages au cours des dernières années (Braveheart, Gladiator…).

Le roi Arthur director's cut

Pourtant, à la découverte du « Roi Bruckheimer », on sent, inconsciemment peut-être, que quelque(s) chose(s) cloche(nt). D'une part, plusieurs fils manquent à la toile tissant les liens entre les différents personnages, tous campés avec une très grande justesse par des comédiens encore méconnus (Clive Owen, Keira Knightley…) et notamment la triangulaire amoureuse entre Arthur, Guenièvre et Lancelot qui se résume à quelques brefs regards échangés et un (presque) début de coït brutalement interrompu. D'autre part, les combattants s'étripent à grands coups de glaives et d'autres ustensiles particulièrement contondants mais néanmoins, tout ce petit monde meure très « proprement ».

Toutes ces omissions, ces erreurs pourrait-on dire, sont corrigées à la découverte du « Roi Fuqua » qui, d'un point de vue narratif, réintègre plusieurs dialogues entre Lancelot et Guenièvre d'une part et Arthur et Guenièvre d'autre part. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard si la jaquette de la director's cut place Guenièvre au centre, entouré par Lancelot à droite et Arthur à gauche tandis que sur la version salle, c'est le roi qui se retrouve au milieu. Ces scènes ne se contentent pas uniquement de développer à nouveau pleinement la fameuse love story triangulaire, elles motivent également chaque personnage, désireux à présent de protéger pleinement ses terres. Un désir encore plus marqué dans le cas d'Arthur lorsqu'il apprendra la mort de Pélage qui enseigna jadis une partie de son savoir et de sa sagesse au futur roi dans une scène à présent retrouvée en ouverture.

D'un point de vue visuel, Le roi Arthur renoue, dans cette version director's cut, avec toute la dureté et la barbarie des long-métrages susnommés qui l'ont précédés dernièrement. Les membres tranchés et / ou transpercés sont à nouveau visibles, les multiples giclés de sang fussent-elles très brèves mais préalablement gommés numériquement, font leur retour et plus personne n'échappe aux combats, surtout pas Guenièvre et d'autres de ses compagnes. Sur les trois combats que contient d'ailleurs le film (dans les deux versions, au moins Jerry n'a pas poussé le vice jusqu'à en retirer un sous prétexte d'excès), on retiendra tout particulièrement celui sur la glace. Non pas qu'il s'agisse là du plus sanglant, bien au contraire, mais c'est assurément la plus incroyable séquence d'affrontement à distance qu'il ait été donné de voir depuis des lustres. En combinant à merveille la stratégie guerrière la plus élémentaire (faire rompre la glace sous le poids de l'ennemi) et une mise en scène inspirée (le travelling avant ascendant, digne d'un film de sous-marin), cette scène vaut à elle seule les deux autres affrontements du Roi Arthur tout en reprenant à la perfection l'idée centrale du film, à savoir que les batailles y sont livrées dans un but bien précis : combattre aux côtés des siens pour un idéal commun (retrouver sa liberté).

Oubliée dans sa version salle, cette ubiquité redevient omniprésente dans la director's cut, parfaitement soutenue par la musique de Hans Zimmer qui a très judicieusement su réinterpréter sa partition de Gladiator, entre puissance et mélancolie, sans pour autant la recopier. Le film retrouve alors son équilibre de départ tel que voulu par son metteur en scène qui aura du, une fois de plus, abdiquer sous le poids d'une production (d'un producteur), obnubilé avant tout par les supposés desiderata du public (pour rappel : les intentions premières de Fuqua pour les mésestimés Un tueur pour cible et Les larmes du soleil étaient également tout autre à l'origine que le résultat final formaté visible à l'écran).

Que vous ayez ou non déjà découvert en salle cette version 2004 du Roi Arthur, ne vous y trompez pas, la vraie version, la plus réussie et aboutie est bien celle-là, la director's cut signée Antoine Fuqua et non Jerry Bruckheimer !

source : Ecran large.

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