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mardi 18 août 2009

BOB SINCLAR

LE MAGNIFIQUE
Philippe Lombard http://www.devildead.com/histoiresdetournagesEn 1972, alors qu’il vient d’essuyer deux échecs commerciaux (La Poudre d’escampette et Chère Louise), Philippe de Broca se voit proposer un scénario de Francis Veber par le producteur Alexandre Mnouchkine. "Quand on m’a proposé le scénario du Magnifique, j’ai trouvé tout de suite l’idée brillante. Cette histoire d’un romancier besogneux qui écrit à la chaîne des livres policiers au rythme de deux par mois pour payer ses factures et la pension alimentaire de son ex-femme, et qui s’identifie à son héros, le célèbre agent secret Bob Sinclar, c’était très séduisant. Et puis, j’ai eu peur de la difficulté que représentait le passage constant de la réalité à l’imagination. Je me suis dit "c’est rudement casse-gueule". Et quand Belmondo est venu me demander de jouer le rôle, il a emporté ma décision. Il était tellement le personnage que je n’ai plus pensé aux pièges possibles. Ça n’a tout de même pas été du gâteau."


En effet, la collaboration avec Veber est loin d’être facile. Il est alors un scénariste vedette, à l’origine de succès comme L’Emmerdeur, Il était une fois un flic ou Le Grand Blond avec une chaussure noire et s’enorgueillit de livrer des scripts "clé en main". "Je m’entends très bien avec des gens qui n’ont pas de prétention de scénariste", dit-il à l’époque. Le problème pour De Broca est qu’il n’y a pas d’histoire d’amour et il souhaite développer le personnage de la voisine intégrée par l’écrivain dans son roman. Devant le refus de Veber, le réalisateur fait alors appel à Jean-Paul Rappeneau. Les deux hommes vont écrire le double rôle de Christine / Tatiana, l’étudiante en sociologie et l’espionne fatale.
Mnouchkine a l’idée de confier le personnage à Jacqueline Bisset, actrice anglaise passée par Hollywood (Bullitt, Airport, Le Détective…) et qui vient de tourner La Nuit américaine de François Truffaut. Belmondo est d’accord mais De Broca n’est au départ pas très enthousiaste ; il finira par se laisser convaincre. Sur le tournage cependant, qui commence au Mexique en mars 1973, des doutes subsistent sur la crédibilité de l’actrice dans ce double rôle. "Nous étions nombreux à nous demander si elle serait vraiment crédible en Tatiana, la femme fatale de rêve, raconte le maquilleur Charly Koubesserian. Le jour où je lui ai fait le maquillage de Tatiana, je me suis rendu compte que cette fille qui a des yeux superbes et possède un magnifique sourire, pouvait aller très loin dans la séduction. Sur elle, quel que soit le maquillage, rien ne devient jamais vulgaire. Ainsi est-elle parfaitement capable de devenir une séductrice ravageuse, une vamp dans le sens pur du terme, et l’instant d’après, avec un autre maquillage, redevenir l’étudiante tranquille."
Philippe de Broca s’était rendu à Acapulco quelques mois auparavant afin de repérer les lieux du tournage. Il en était revenu enchanté mais n’avait pas réalisé qu’il était tombé en pleine saison des pluies et que le tournage se déroulerait en saison sèche. "Il n’y avait plus que des palmiers avachis, une végétation toute grise, moche, assoiffée. Je ne savais plus où foutre la caméra." Les problèmes continuent quand un laboratoire mexicain raye le négatif des premières scènes et que Belmondo se tord gravement la cheville en sautant de sa Ford LTD décapotable. Alexandre Mnouchkine décide alors d’interrompre le tournage deux semaines, le temps que la star se repose et que De Broca fasse de nouveaux repérages à Puerto Vallarta.
Lorsque les prises de vues reprennent, l’équipe se heurte à des difficultés techniques qui étaient toutefois prévues, eu égard à certaines scènes mouvementées du script. "Immerger une cabine téléphonique par dix mètres de fond dans des eaux infestées de requins, dresser un miroir de 10 mètres de large et de 5 mètres de haut au milieu d’une route en lacets, diriger un ballet d’hélicoptères au-dessus des pyramides Teotihuacan, ça pose quelques problèmes."
De Broca a soigné les transitions entre le monde imaginaire de Bob Sinclar et l’univers quotidien de François Merlin. La première se fait sur une plage mexicaine où la femme de ménage du romancier passe l’aspirateur au milieu d’une fusillade. Pour ce plan, la comédienne Monique Tarbès a fait l’aller-retour dans la journée ! D’autres, comme André Weber (partenaire de Belmondo dans Ho ! et plus tard dans Le Professionnel), Jean Lefebvre (imposé par Bébel) et Vittorio Caprioli (doublé par Georges Aminel) restent sur place plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Pour simplifier ces passages entre le Mexique et la France, De Broca choisit de donner certains petits rôles à des membres de son équipe (le maquilleur, l’assistant-opérateur) ou à lui-même (il est un des plombiers), afin d’être certain d’avoir tout le monde sous la main.
Pour Jean Lefebvre, le tournage est l’occasion d’une belle frayeur. "J’avais une scène où je devais mourir, fusillé par Jean-Paul. Les Mexicains m’ont bourré d’explosifs. Ils ont passé deux heures à m’en mettre partout et on s’est préparé à tourner. Mais, au moment où De Broca était sur le point de dire "moteur" j’ai vu le type qui était derrière la caméra faire le signe de croix. J’ai été pris d’une peur panique et j’ai hurlé à De Broca d’arrêter tout. J’ai expliqué à mon metteur en scène ce que je venais de voir et je lui ai dit que tout cela n’avait pas l’air très sûr. De Broca m’a assuré que c’était le même cascadeur qui faisait les grands westerns américains, qu’il avait un talent fou en matière d’explosifs… Il avait beau dire, je n’étais pas rassuré pour autant. On a tourné et tout s’est très bien passé. Mais c’est quand même ce jour-là que j’ai eu la plus grande peur de ma vie. Et pendant ce temps, Belmondo hurlait de rire !"
Après une soirée délirante où De Broca et Belmondo fêtent leurs quarante ans (une partie du mobilier de l’hôtel finit dans la piscine !), le tournage se poursuit à Paris : la mosquée de Paris (la mission de Bob Sinclar à Bagdad), le 17 de la rue des Tournelles (l’appartement de François Merlin), une résidence étudiante de la rue Tournefort (le Centre international de Sociologie), le Jardin des Plantes, les places de la Bastille et de la Concorde et le canal Saint-Martin. À Epinay, François de Lamothe construit le décor de l’intérieur d’un temple mexicain, QG de l’organisation ennemie. Bob Sinclar y tue ses adversaires et une rivière de sang s’écoule du grand escalier. "Je voulais faire une parodie de la violence, du sadisme, du sexe et de la cruauté, explique à l’époque De Broca, me venger de tout ce que je n’aime pas dans le cinéma d’aujourd’hui, faire un sort à ces héros que l’on voit mourir en tombant au ralenti et qui pissent le sang comme des fontaines." Le sang utilisé est d’origine animale et l’odeur restera dans le studio des semaines durant, indisposant les tournages suivants…
Lors de la première projection privée du film, Francis Veber sort dès la deuxième bobine et refuse que son nom soit crédité au générique (aucun ne le sera, d’ailleurs). "C’est un sujet que j’aime beaucoup et qui me tenait particulièrement à cœur, dira-t-il plus tard. Cet auteur qui se prend pour ses personnages, c’est un peu moi. Mais je n’ai vraiment pas aimé la façon dont Philippe de Broca l’a réalisé et c’est pourquoi j’ai fait retirer mon nom du générique. C’est un film que j’aurais aimé faire et que j’aimerais pouvoir refaire un jour. De Broca en a fait une bouffonnerie mais je pense qu’en le traitant de façon sincère, il pouvait être cent fois mieux." Fair-play, De Broca reconnaîtra les apports de Veber. "Je le dis, je l’affirme, la plupart des éclats de rire du film lui reviennent. Mais à mon avis, il ne savait pas bien exploiter toutes ses idées."
Le scénario s’est intitulé Raconte-moi une histoire puis en cours de tournage Comment détruire la réputation du plus célèbre agent secret (sur le clap, cependant, ne subsistait que Agent secret par manque de place !). Il sera d’ailleurs traduit ainsi en Grande-Bretagne, en Espagne et en Italie, mais deviendra en France Le Magnifique, sur une idée du coproducteur Robert Hamon.

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