Toutes les vidéos et images incluses sur ce blogs sont la propriété de leurs ayants-droits respectifs. Elles peuvent être retirées à tout moment par simple demande d'un ayant-droit. Les articles dont la source est mentionnée peuvent aussi être retirés par simple demande de l’auteur.



jeudi 12 novembre 2009

LA TRAVERSEE DE PARIS



« Jambier, j'veux 2000 francs, Jambier, 45, rue Poliveau !

- Oui, oui, on l'sait, plus un franc, plus un sou ! »

Sortie sur nos écrans le 20 novembre 1956, La traversée de Paris est aujourd'hui rééditée en DVD, l'occasion rêvée d'évoquer l'une des plus grandes réussites du cinéma français. Mis en scène par Claude Autant-Lara, le film réunit pas moins de trois vedettes (dont une, à l'époque, en plein essor), à savoir Jean Gabin, Bourvil et Louis de Funès.

L'histoire, connue de tous, se déroule sous l'Occupation. Martin, brave homme au chômage, doit convoyer à l'autre bout de Paris quatre valises pleines de porc. Son acolyte habituel ayant été arrêté, il fait appel à un inconnu, Grandgil. Mais celui-ci se révèle vite incontrôlable, et le trajet périlleux. Au terme de leur périple, Martin découvrira que Grandgil est un peintre connu qui s'est offert le luxe d'une petite aventure. Ils finiront par se faire arrêter et Martin paiera seul le prix de cette traversée.

A l'origine, rappelons que le sujet est adapté d'une nouvelle écrite par le génialissime Marcel Aymé, parue dans le recueil Le vin de Paris. A la fin de son texte, Aymé condamne le personnage de Grandgil, sauvagement abattu par Martin. Le film ne conservera pas l'idée, jugée trop sombre et dramatique par le cinéaste. Séparés durant l'Occupation, les deux héros se croiseront donc par hasard à la Libération, au beau milieu de la Gare de Lyon. Au sortir d'un taxi, Grandgil use des services d'un transporteur pour ses bagages. Pressé par le train dans lequel il doit monter, il ne prend garde à la personne. Une fois dans le wagon, il découvre alors le visage de Martin, d'abord surpris, puis ravi. Le train démarre. Ils se saluent, laissant entrevoir un espoir quant à des retrouvailles plus approfondies.


Mais l'oeuvre de Claude Autant-Lara n'est pas aussi rose qu'elle n'en a l'air. Le cinéaste et son équipe abusent ainsi d'un noir et blanc parfaitement contrasté, lui donnant au final un aspect extrêmement inquiétant. Pourtant, à l'origine, le film était prévu en couleurs. Des restrictions budgétaires entrainèrent malheureusement un retour à la simplicité, et en conséquence, une nouvelle approche d'Autant-Lara pour sa mise en scène. Il s'orienta alors vers l'expressionnisme allemand, utilisant jeux d'ombres et figures géométriques à bon escient. En effet, rarement un film évoquant l'Occupation Allemande n'aura paru aussi terrible dans sa représentation, à la fois sombre, désertique, et menaçante.


De la même façon, les personnages ici présentés n'ont rien de glorieux, ou si peu. Martin frappe sa femme par excès de jalousie, Grandgil provoque un véritable scandale dans un café tenu par des pauvres, tandis que Jambier réserve en cachette un incroyable garde-manger pour les besoins du marché noir. Plus étonnant encore, les Allemands eux-mêmes apparaissent moins terribles que la réputation qui les précède. Ainsi, dans la dernière partie du métrage, l'officier qui retient prisonniers nos deux héros reçoit un étrange coup de téléphone. Le contenu de la conversation ne nous sera pas dévoilé mais celui-ci aura pour conséquence de séparer Martin et Grandgil et d'envoyer le premier en déportation. La caméra s'arrête alors sur le comédien d'Outre-Rhin, Harald Wolf, le regard triste et impuissant devant l'horreur. En somme, un véritable être humain. Une vision quelque peu provocatrice, prenant un tout autre sens à la fin des années 80, lorsqu'Autant-Lara fut élu au Parlement Européen sur la liste du Front National, et allant jusqu'à tenir des propos diffamatoires sur Simone Veil (remise en cause de la dureté des camps de concentration, etc...).

Bourvil et Jean Gabin ne tourneront qu'un seul long-métrage ensemble. Mais celui-ci restera définitivement dans les annales. Ils forment en effet un duo admirable, alternant séquences émouvantes et drolatiques avec un talent définitivement sans faille. Néanmoins, dès la production du film annoncée, Marcel Aymé reproche le choix de Bourvil dans le rôle de Martin (il aurait préféré Bernard Blier), avant de revenir finalement sur ses paroles lors de sa sortie en salles. De son côté, le comédien reçut un prix pour son interprétation, avec la modestie qu'on lui connut : « J'ai eu le prix à Venise, bon, j'en suis pas mal fier, mais je ne confonds pas vitesse et précipitation, Bourvil et Sarah Bernhardt. Le rire dans la qualité c'est ce que je voudrais pouvoir faire. L'imbécile heureux, voilà mon emploi. Que je m'évade de temps en temps je ne dis pas non mais ce sera toujours pour y revenir ». Avec La traversée de Paris, il trouve enfin un rôle dense et dramatique, loin du naïf heureux qui le rendit célèbre, dans Le rosier de Madame Husson ou Le trou Normand. Quelques années plus tard, le comédien confirmera sa prédisposition à incarner de grands rôles, grâce notamment à la confiance de Jean-Pierre Melville (dans Le cercle rouge) et de Terence Young (dans L'arbre de Noël). Gabin, quant à lui, démontre une fois de plus l'étendue de sa puissance, amenant chacune des scènes où il apparaît au sommet, de par sa voix ou sa bonhommie. A noter au passage les dialogues, particulièrement brillants, de Jean Aurenche et de Pierre Bost, également auteur du scénario. Oubliés du grand public, leurs noms restent tout de même attachés à Bertrand Tavernier, Jean Delannoy, René Clement ou bien encore Julien Duvivier. Une belle carrière qu'il convient aujourd'hui de saluer.


Au milieu de ce couple, aujourd'hui mythique, apparaît un troisième larron du nom de Louis de Funès. A cette époque, l'acteur était alors en passe de devenir une grande vedette et de côtoyer, à tour de rôle, ces deux monstres sacrés qu'étaient Bourvil et Jean Gabin. L'année suivante, il sera à l'affiche de films véritablement décisifs dans la suite de sa carrière, Courte tête de Norbert Carbonnaux, Comme un cheveu sur la soupe de Maurice Regamey et en 1958, Ni vu ni connu d'Yves Robert. Lors de la séquence réunissant Bourvil, Gabin et De Funès dans la cave, ce dernier accentua ses fameux « tics », véritable marque de fabrique à ses débuts. Fernandel lui piqua sur le tournage du Mouton à cinq pattes. Ici, Gabin les lui reprocha, tout simplement. De Funès se contentera alors de cligner des yeux avec insistance et de crier fortement (à la limite de la caricature) lorsqu'il aperçoit Gabin découper une tranche de jambon. Malgré tout, le tournage se passa dans la bonne humeur, et la scène restera à jamais gravée dans la mémoire collective.

Aucun commentaire:

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...