pour la sortie de son nouveau film
source : ECRAN LARGE.com
J’ai remarqué que vous fêterez vos 30 ans de carrière au cinéma en 2010, alors j’ai sélectionné quelques années clés pour en parler.
(petite moue traduisant un enthousiasme, heu, inexistant.)
Ne vous inquiétez pas, on parlera de La Grande vie à la fin. Commençons donc en 1980 avec un FILM dont je ne citerai pas le titre parce qu’il est…
Vous n’avez pas le droit.
Hein ?
Vous n’avez pas le droit de parler de ce film.
Pourquoi ?
Parce que je ne l’aime pas ! (rires) Non, j’ai quand même un grand souvenir le concernant : la comédienne qui jouait mon épouse dans le film est une femme que j’aimais beaucoup et qui est devenue une très grande actrice aux États-Unis, elle a été nominée aux Oscar pour Les Affranchis. Elle a aussi joué une psy dans Les Soprano. Elle s’appelle Lorraine Bracco. J’étais vraiment ravi de voir sa carrière se développer ainsi. Sinon, à l’époque j’étais plus concentré sur le théâtre - je commençais à jouer seul – et je n’avais aucune idée de ce qu’était faire du cinéma, j’y suis allé en touriste et une fois dedans, je me suis demandé dans quoi je m’étais embarqué. Mon Dieu…
Vous n’avez pas été dégoûté pour autant ?!
Non, parce que je suis un grand spectateur de cinéma depuis toujours… Je séchais les cours pour aller à la Cinémathèque. A l’époque, c’était 1 franc 1 centime le film ! Avec un copain on en voyait parfois jusqu’à 5 par jour. Je voyais tout, jusqu’au film néerlandais sous-titré en chinois. J’ai vu Chaplin en vrai là-bas, je faisais partie du service d’ordre. Chaplin à 1 mètre de moi… Bouleversant ! Donc ce n’est pas une mauvaise expérience qui allait me dégoûter.
On passe à 1985 et le phénomène 3 hommes et 1 couffin.
Pendant Le Voyage à Paimpol, Coline Serreau m’envoie le scénario du Couffin et comme j’étais un immense fan de ce qu’elle avait fait auparavant, j’ai accepté sur le champ. C’était risqué parce qu’elle était très loin d’une réalisatrice à succès, elle était marginale. Donc nous ne pouvions pas imaginer une seconde que nous tournions dans ce qui allait devenir un phénomène. On manquait d’argent, ce n’était pas un tournage facile mais j’étais très heureux de le faire.
Difficile de garder la tête froide ensuite ?
Juste avant, j’ai eu la chance de connaître un énorme succès avec mon troisième spectacle solo sur scène, à l’Olympia. Je suis plutôt dans ma dynamique à moi, super heureux. Par-dessus arrive un truc monumental. On ne s’y attendait pas et surtout, on ne l’avait pas cherché. Quand ils font Les Visiteurs, ils savent gérer le succès puisque c’est le but. Même quand Dany fait les Ch’tis, il espère que ça marche. Evidemment, pas à ce niveau, mais il en rêve. Pendant quelques mois, le triomphe du Couffin a été un poids dans ma vie mais j’ai continué à travailler et j’ai digéré le succès, pour en être très fier aujourd’hui. Je ne regrette pas cette fantastique aventure.
Vous avez croulé sous les propositions ?
Oui mais pas tant que ça car j’ai tout refusé pour écrire mes spectacles. En même temps, il y avait à l’époque l’explosion des médias car Canal + venait d’apparaître, d’autres chaînes allaient suivre et j’étais un peu pris dans ce bordel, j’ai été surexposé. Il m’a fallu quelques années pour me rendre compte que la seule chose qui m’intéressait, c’était mon travail et pas traîner dans les émissions de télé.
(Pas le temps hélas d'aborder Tranches de vie de François Leterrier sorti en 1985, que Louis nous excuse.)
Un tour en 1991 pour parler de La Totale…
J’avais adoré Les Ripoux et il n’était pas question de refuser un rôle à Claude Zidi. Je me suis amusé comme un fou, j’étais en pleine forme. Le remake m’a fait marrer, on peut dire que c’est La Super Totale. Mais c’est beaucoup moins drôle… En tout cas, je suis favorable aux remakes, si c’est la seule manière d’exporter nos films là-bas.
(L’heure commence à tourner sérieusement)
Arrive sur nos écrans en 1993 Le Nombril du monde.
Autant j’ai trouvé que mon César (du Meilleur second rôle, Ndlr) pour le Couffin n’était pas mérité car nous aurions du tous les trois l’avoir, autant mon rôle dans Le Nombril du monde est parmi ceux qu’il m’ont le plus marqué de ma carrière. On m’en parle aujourd’hui encore, toujours. Les gens ne l’oublient pas. C’est un très beau film et un travail énorme en ce qui me concerne, avec notamment 5 heures de maquillage par jour. C’était un personnage extrêmement complexe, à la fois insupportable et attachant. J’ai eu beaucoup de mal à sortir du film, physiquement déjà puisque j’avais pris 25kg, chose que je ne referais pas aujourd’hui…
Vous le déconseillez aux comédiens aujourd’hui ?
(sans hésiter) Ah oui. Avec les trucages qu’on fait, ce serait ridicule de maltraîter ainsi son corps. Cela me rappelle l’histoire de Laurence Olivier et Dustin Hoffman dans Marathon man. Hoffman se met à courir avant une scène, il court, il court… Olivier lui demande ce qu’il fait et Hoffman lui répond qu’il doivent être essouflés dans la scène qu’il va tourner. « Et vous ? » demande Hoffman. « Moi, je joue la comédie » répond Olivier. J’adore cette anecdote.
Malheureusement, Le Nombril du monde est une déception au box-office.
L’une des raisons est que le scénario ne sauve jamais Bajou, le personnage. Pendant les débats avec le public qui n’arrêtait pas de s’attaquer à Bajou, je leur disais « Et pourtant vous êtes tous amoureux du Parrain, un proxénète et assassin. Entre lui et Bajou qui fait des choses horribles, j’en conviens, mais par amour, on ne lui pardonne rien ? » c’est bizarre parce qu’avec le temps, les gens m’en parlent différemment. Ce film restera, vous verrez. Il reste, d’ailleurs, pensez au nombre de films qu’on a oublié depuis !
Puisqu’on en parle… 1997 est une année moins glorieuse avec deux films de Zeitoun : XXL et Une femme très, très, très amoureuse.
Oui, bon, je ne fais qu’un passage dans Une femme… Quant à XXL, il faut l’oublier et il est oublié (rires puis soupirs) Je ne voulais pas faire ce film, je ne voulais pas le faire ! J’ai refusé plusieurs fois et j’ai fini par accepter parce que je devais jouer Sganarelle dans le Don Juan de Weber et au dernier moment, on me dit que le film est annulé. Le producteur de XXL revient à l’assaut, Depardieu me téléphone et insiste, on me triple le caché… A un moment donné, vous vous dîtes : Ce n’est qu’un film. C’est aussi mon gagne-pain, faut pas déconner. Mais il est oublié, il n’y a que vous pour m’en parler !
(rires brefs car l’attaché de presse me fait signe qu’il ne me reste qu’une seule question, je dois zapper 18 ans après, snif) On enchaîne sur 2003 et votre première réalisation, Père et fils. Que dire sur l’énergie qui se dégage d’un premier film ?
Il faut retrouver à chaque fois cette énergie du premier film. Chaque film est différent donc c’est en quelque sorte à chaque fois un premier film, puisqu’il n’a jamais été fait. Ensuite, le one-man-show est une école incroyable par rapport à l’énergie parce que tout repose sur vous. A ma grande surprise, j’ai tout de suite été à l’aise en tant que réalisateur. Mais la première fois que vous dîtes « Moteur » dans votre vie est un grand moment d’émotion. C’est le seul instant que je ne vivrai plus jamais. Ce premier plan que je n’aurai plus jamais. Maintenant je sais qu’il faut regarder le ciel quand je m’endors, je sais qu’il faut particulièrement prendre soin de mes acteurs, même si je le savais déjà en théorie… Plus que de l’énergie, c’est de l’émotion qui rend les premières fois inoubliables. Surtout quand ça marche, comme ce fut le cas pour Père et fils, qui a marché et que j’adore.
C’est votre meilleur film.
Oui, je ne renie pas 3 amis mais je me sens capable de faire mieux puisque je l’ai déjà fait avec Père et fils. Et je ferai mieux avec mon troisième film qui est au stade de l’écriture. Je suis un vieux conteur mais un très jeune cinéaste, il faut me laisser encore du temps. J’ai beaucoup de chance car le public m’a donné ce temps-là. 350 000 entrées reste correct, on ne m’a pas dit de rentrer chez ma mère et d’arrêter le cinéma.
(à l’attaché de presse) Une dernière ?
(« On a une voiture dans 10 minutes »)
10 minutes ?
(« Oui c’est pour ça que je fais des signes depuis tout à l’heure ! »)
Bon je termine là-dessus en disant que je finis d’écrire mon troisième film et que j’adore ce scénario. Dans cet état d’esprit, je peux tourner dans le bonheur absolu et trouver ce pourquoi je travaille depuis 3 ans. Mais la différence entre 3 amis et ce film qui s’appellera Jamais perdu, c’est que j’y ai travaillé 3 fois plus et je sais où je veux aller. Je devais le tourner cet automne et puis en mai j’ai décidé de balancer le scénario pour l’écrire à nouveau et j’ai eu raison. 3 amis, c’était moins clair mais il y a quand même des moments que j’adore.
(L’attaché de presse s’est éloigné grâce à un coup de téléphone.)
Un mot pour qualifier La Grande vie, histoire de terminer sur 2009 ?
Sincère. Généreux. Volontaire. C’est un premier film avec une vraie ambition, un vrai propos, il y a des moments formidables et un acteur que j’adore, Laurent Capelluto. Je ne l’aurais pas fait sans lui. J’ai été ravi de voir Emmanuel à l’œuvre et parfois, de l’aider. Même si…
(Le téléphone de Michel Boujenah sonne)
Allô ? Attends… (s’adressant à moi) On a fini ?
On aurait pu parler de L’argent des autres !
Alors là c’est un rôle énorme ! (au téléphone) Attends j’arrive tout de suite ! (à moi, devant l’attaché de presse très zen, je l’en remercie) Ce sera très différent du film de Danny de Vito. Nous reprenons le texte original, puisque c’est une pièce de théâtre, et c’est beaucoup plus dur que le film. A la fin, de Vito change alors que dans la pièce, il tue tout le monde ! Je m’attaque à un autre monstre, d’un cynisme incroyable. C’est un challenge de folie de faire ça en 4 semaines, il faut être cinglé !
Propos recueillis par Didier Verdurand.
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