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jeudi 10 décembre 2009

LE PACHA


Sorti sur nos écrans le 14 mars 1968 et réalisé par Georges Lautner, le film se dote d'un casting hautement prestigieux, de Jean Gabin à André Pousse, en passant par Dany Carrel, Robert Dalban, Maurice Garrel ou bien encore Dominique Zardi. Une pure merveille, agrémentée de dialogues irrésistibles conçus par Michel Audiard et d'une bande originale signée Serge Gainsbourg. Séquence nostalgie...


A l'instar des Tontons Flingueurs, l'histoire du Pacha n'a absolument rien d'original, bien au contraire. Il s'agit en effet de l'adaptation d'un roman écrit par Jean Laborde, Pouce. Georges Lautner, Albert Simonin et Michel Audiard se retrouvent d'ailleurs à cette occasion.

Très affecté par la mort de son collègue Gouvion survenue au cours d'un hold-up, le commissaire Joss décide de le venger, purement et simplement. Pour ce faire, il invente le coup du siècle : mettre deux bandes sur la même affaire et les laisser s'entretuer. Il espère ainsi « nettoyer » le milieu parisien, et ce, avant son départ à la retraite...


Ce long-métrage marque la première (et dernière) collaboration entre le cinéaste Georges Lautner et le comédien Jean Gabin. En 1963, ils avaient déjà eu pour projet de travailler ensemble. Il s'agissait du film Les Tontons Flingueurs. Mais finalement, Lautner lui préféra Lino Ventura dans le rôle principal. En revanche, Jean Gabin croisa Michel Audiard à plusieurs reprises et eut donc cette chance d'interpréter très régulièrement ses merveilleuses répliques. Parmi leurs nombreuses collaborations, on peut citer Le gentleman d'Epsom, Un singe en hiver, Mélodie en sous-sol, Sous le signe du taureau ou bien encore Le Drapeau noir flotte sur la marmite.


Mais Le Pacha propose certains dialogues parmi les plus réussis dans la longue carrière de Michel Audiard. En voici une petite sélection :

« Le jour où on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner ! »

« Tout le monde parle d'infarctus, de cirrhose, de cancer, ben moi j'dis que la pire maladie des hommes c'est de donner tout son amour à une seule bonne femme. »

« Le crétin chimiquement pur... Je me demande où tu vas le chercher ?

- 36, quai des orfèvres. Je suis fidèle à mes fournisseurs. »

« C'est un accident, un regrettable accident...

- La mort de Louis XIV aussi. »

« Quand on parle pognon, à partir d'un certain chiffre, tout le monde écoute. »

« Dis donc, Ernest, entendons-nous bien. T'as besoin d'moi, j'ai besoin d'toi, on traite... Mais un casseur doublé d'une donneuse, tu voudrais tout d'même pas que j't'embrasse... Hein ? »

Quarante ans plus tard, Le Pacha demeure encore l'une des références absolues dans le genre du polar français. Pourtant, on ne peut s'empêcher d'imaginer ce à quoi le film aurait pu ressembler si la censure de l'époque ne s'était pas opposée à certains « excès ». On reprocha notamment aux auteurs de présenter un commissaire de police beaucoup trop violent. Toutefois, le cinéaste garda son sang-froid et organisa même des rencontres radiophoniques avec de nombreux jeunes, leur demandant de témoigner des maltraitances dont ils furent victimes lors d'interrogatoires divers. Lautner finit alors par trouver un compromis avec la commission qui lui imposa de supprimer « seulement » deux coups de poing donnés par Gabin envers l'une de ses victimes. Malgré tout, la promotion du film resta assez virulente : étonnamment, l'affiche annonça un long-métrage interdit aux moins de 18 ans (du moins, lors de sa sortie) et proposa une accroche tout aussi spectaculaire, « Le Gabin de la vengeance ». Sur ce dernier point, on ne peut qu'être d'accord voire hautement satisfait. L'acteur y est particulièrement remarquable (pléonasme). Il impressionne à chacune de ses apparitions ou répliques. Son charisme prend même ici une toute nouvelle ampleur, le regard triste, le visage sombre, et le comportement plutôt brutal. De son côté, André Pousse interprète le « méchant de service » avec une ignominie rare. L'un de ses plus grands rôles au cinéma, pour un face à face d'anthologie.

Fidèle à ses principes, Georges Lautner travaille sa mise en scène au plus haut point. Pour cela, il fait de nouveau appel à l'un de ses directeurs de la photographie fétiches, le célèbre Maurice Fellous. Ainsi, l'image présente des couleurs d'une rare vitalité, tout en créant une ambiance des plus sombres pour ne pas dire inquiétantes. Le cinéaste accentue cette atmosphère par le biais d'une bande originale oppressante, de par sa récurrence et son style, celle de Serge Gainsbourg.

Le thème musical et les paroles de Requiem pour un con interviennent donc à de nombreuses reprises et nous glacent littéralement par le rythme saccadé mais aussi le sens de leur propos (« Écoute les orgues, elles jouent pour toi, il est terrible cet air-là, j'espère que tu aimes, c'est assez beau non, c'est le requiem pour un con, je l'ai composé spécialement pour toi, à ta mémoire de scélérat, c'est un joli thème, tu ne trouves pas, non, semblable à toi-même, pauvre con... »). Mais l'une des principales particularités du cinéma de Georges Lautner est de filmer ses comédiens en gros plans. De cette façon, il met en valeur leur jeu mais aussi les extraordinaires répliques d'Audiard, ce qui explique une aussi longue collaboration, faite de hauts et de bas, entre les deux hommes.

De plus, quelques années précédant la sortie du film, vers la fin des années 50 pour être plus précis, naquit la Nouvelle Vague, laquelle apporta un nouveau souffle au sein du cinéma français. Lautner, loin d'en faire partie, avait lui aussi pour principe de vouloir toujours innover et tenter de nouvelles expériences, aussi bien visuelles (cadres ou montages originaux) que scénaristiques. Le Pacha ne fait pas exception à la règle. On y retrouve tout d'abord quelques cascades et autres scènes d'action particulièrement spectaculaires, notamment celle où Dominique Zardi participe à l'attaque d'un fourgon blindé avec l'aide d'un bazooka. Par ailleurs, la construction du long-métrage se montre généralement fluide et extrêmement dynamique (une véritable marque de fabrique dans l'univers Lautnérien). La preuve d'une modernité et d'une intelligence rares, surtout en cette époque.

Le Pacha appartient à ces classiques populaires que l'on devrait voir et revoir indéfiniment, aussi bien pour le plaisir que dans le cadre de certaines études. En outre, d'un point de vue historique, il marque non seulement les grandes retrouvailles entre Gabin et Audiard après quelques années de brouilles, mais aussi l'unique collaboration entre le comédien et Georges Lautner. On regrette qu'il n'y en ait pas eu davantage.

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