Fleuron des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, premier long métrage d'animation, a été projeté pour la première fois le 21 décembre 1937 au Carthay Circle Theater de Los Angeles. Sa première représentation en France s'est déroulée quelques mois plus tard, au cinéma Marignan à Paris, le 4 mai 1938.
À cette époque, c'était, tout comme maintenant, la voix d'Adriana Caselotti qu'on pouvait entendre sur Blanche-Neige dans la version originale. En ce qui concerne sa voix française, doublage si lointain et tellement peu médiatisé, c'est un peu plus compliqué. La confusion est telle qu'une chanteuse de l'époque, Elyane Célis, avait enregistré en disque la célèbre chanson Un jour, mon prince viendra, qui avait connu un beau succès. Roger Carel, qui était alors enfant, se souvient : " Elyane Célis se produisait dans les salles de spectacle en longue robe blanche et chantait allongée sur un piano ". Mais la véritable interprète du doublage, et peu de gens le savent, est Lucienne Dugard pour le chant, et sans doute pour la voix parlée, comme se souvient Lucie Dolène, dont nous parlerons plus loin.
En 1962, les studios Disney décident de ressortir pour les fêtes de fin d'année ce grand dessin animé. Il est donc décidé de procéder à un nouveau doublage, la technique du son ayant déjà bien évolué. La S.P.S. (Société Parisienne de Sonorisation) fait appel à une jeune chanteuse, Lucie Dolène (née en 1931) pour devenir la voix chantée et parlée de Blanche Neige. Sa voix magique de soprane a bercé notre enfance et restera comme un grand choix artistique conjoint de la S.P.S et de Disney France.
Les autres comédiens qui ont participé à ce deuxième doublage sont : Jean Cussac, chanteur et comédien (le Prince), Claude Gensac (la Reine) qui fut au cinéma l'épouse de Louis de Funès dans la série des Gendarmes. Le reste de la distribution est constitué de comédiens plus âgés, orfèvres du doublage depuis des décennies : Marie Francey (la Sorcière) voix de Marlène Dietrich et de... E.T. l'Extra-terrestre !, Richard Francoeur (Prof) célèbre voix de Gary Cooper et Clark Gable dans les années 30-40, Léonce Corne (Grincheux), Maurice Nasil (Timide) voix de Danny Kaye dans les films de la RKO, Raymond Rognoni (Joyeux) qui a fait aussi beaucoup de doublages comme comédien et directeur de plateau, Jean Daurand (Atchoum) et Georges Hubert (Dormeur).
Près de 64 ans après sa sortie cinéma, Blanche Neige et les sept nains a effectué son retour en vidéo le 19 octobre dernier, et pour la première fois en DVD, dans le cadre d'une nouvelle sortie mondiale décidée par la Walt Disney Company. À ce sujet, un sondage était sorti dans la presse dans le courant de l'année passée afin de trouver les personnalités susceptibles de doubler Blanche Neige, le prince et la reine. Les noms souvent prononcés pour Blanche-Neige allaient de Laetitia Casta à Hélène Ségara en passant par Elsa et Alizée. " Le choix d'une vedette pour l'interprétation d'un rôle est l'aboutissement de longues discussions entre les services marketing, juridiques et artistiques. "C'est toujours compliqué, mais à chaque fois les responsables artistiques de Disney font en sorte que la vedette serve le film et ne se contente pas d'être juste une vedette " déclare Barbara Tissier.
La raison communiquée par Disney France d'effectuer ce nouveau doublage était de pouvoir sortir une copie du film en DVD avec une bande son en Dolby Digital 5.1 et aussi de " réactualiser les voix dans des souhaits conformes à ceux du public ". Mais pour quel public ? Au plus jeune sans doute, mais pas à celui cinéphile qui a encore à l'oreille le doublage avec Lucie Dolène. En fait, le problème n'était-il pas une question juridique liée à la voix de la chanteuse/comédienne ?
Dans le milieu du doublage, tout le monde (ou presque) sait que Lucie Dolène avait intenté une action en justice contre Disney en 1994 afin de toucher des royalties pour les chansons de ce dessin animé qu'elle avait interprétées. Procès qu'elle aurait gagné mais dont les conséquences ont engendré peut-être cette décision de faire ce troisième doublage.
La réponse de Disney France est tout autre (cf. DVD Vision, nov.2001) : " De tout temps, les films Disney ont fait l'objet de doublages réactualisés afin de coller au mieux au phrasé des nouvelles générations. (...) De plus, à partir du moment où notre société propose en 2001 de redécouvrir le film sous ses plus beaux atours (images nettoyées digitalement, recolorisation...), il convient dès lors de proposer également une bande son aussi pure que les images. C'est aussi simple que ça et ce n'est pas autre chose ! ".
D'un point de vue artistique, il semble que beaucoup de cinéphiles (ceux au moins qui apprécient les VF) soient contre les redoublages et en particulier contre celui-ci. À ce propos, Lucie Dolène, modeste, déclare pourtant : " La vie passe, il faut changer les choses croyant les mettre au goût du jour. Après tout, pourquoi pas ? ". Une belle leçon d'humilité.
Parlons donc maintenant de ce nouveau doublage si attendu. Il a été réalisé au printemps dernier au studio Cinéphase sous la direction de Barbara Tissier, comédienne et directrice de plateau des Disney, Tarzan et Dinosaure. Pour le choix des voix, après avoir pensé comme nous l'avons vu à louer les talents de vedettes (un choix artistique pas toujours appréciable selon nous), les studios Disney se sont donc réorientés vers des comédiens et chanteurs moins connus du grand public, mais dont les talents ne déméritent pas. Ces artistes, de l'ombre pour la plupart, sont des habitués des plateaux de synchro.
Nous avons voulu quand même poser la question à Disney France sur le fait d'avoir renoncé finalement à engager des vedettes. Leur réponse est la suivante : " Le casting imaginé au départ pour le redoublage du film nous a semblé tout à coup un peu trop " fashion " et du coup, terriblement marqué dans le temps. Un doublage reste en place entre 30 et 35 ans. Or avoir des personnalités trop modernes pour un film " éternel " n'était plus une bonne idée ! ".
Contrairement au doublage de 1962, où Lucie Dolène était la voix parlée et chantée de Blanche-Neige, Disney à fait appel à deux talents pour ce troisième doublage : Valérie Siclay (voix parlée) et Rachel Pignot (voix chantée). Valérie Siclay est une jeune comédienne de 29 ans née à Tahiti. Elle a doublé Tiffany Amber-Thiessen dans les séries Sauvé par le gong et Beverly Hills et Michelle Williams dans Dawson.
Le restant du casting comprend : Le Prince, rôle composé aussi de deux voix (Pierre Tessier - voix parlée et Olivier Cantore - voix chantée), la Reine (Katy Vail), le miroir magique (Jean-Claude Balard), Prof (Jean-Claude Donda), Grincheux (le populaire Gérard Rinaldi), Timide (Michel Mella), Joyeux (Jean-Loup Horwitz), Atchoum (Bernard Alane, comédien bien connu aussi), Dormeur (Patrice Dozier) et le garde chasse (Marc Alfos).
En ce qui concerne l'adaptation des Disney, comme l'a souligné Fred Taieb, alors Executive creative director Europe chez Disney, dans une interview en 1992 pour la sortie vidéo de Peter Pan : " Pour les chansons, les choix artistiques dépendent du produit, de sa connaissance par le public. La SACEM autorise en cas de redoublage l'exploitation de 10% du précédent texte. Pour Blanche Neige, on aurait fait rentrer Un jour, mon prince viendra dans le cadre de ces 10% ".
Pour ce qui est de l'adaptation de Blanche Neige, nous avons voulu poser la question à un spécialiste, Philippe Videcoq, auteur de doublages et directeur de plateau de nombreux Disney, dont Peter Pan. Bien qu'il n'ait pas travaillé sur ce long métrage, il nous dit : " Je crois savoir que le nouveau doublage de Blanche Neige a été nécessaire afin de faire un nouveau mixage en 5.1 avec une bande (musique et effets) restaurée. L'enregistrement des dialogues seuls du précédent doublage avait aussi disparu depuis longtemps. Je crois d'ailleurs qu'ils ont réutilisé les mêmes dialogues que pour la précédente VF. "
En conclusion, on peut remarquer que ce nouveau doublage est très fidèle à celui de 1962, tant au niveau du jeu des acteurs, que des dialogues et des chansons (à quelles petites exceptions près). Un tel mimétisme est même frappant !
source : objectif-cinema.com