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vendredi 29 mai 2015

Le 29 mai 1982, Romy Schneider

Le 29 mai 1982, Romy Schneider est retrouvée sans vie dans son appartement parisien du VIIe arrondissement Paris. Trente ans plus tard, le doute subsiste encore sur les circonstances de la mort de l'actrice naturalisée française, devenue l'icône de toute une génération. Et pour cause: Laurent Davenas, substitut du procureur à l'époque, en charge de l'enquête, n'a pas commandé d'autopsie, dans un soucis de ne pas abîmer le "mythe Sissi". Néanmoins, la thèse dusuicide est la plus répandue. On décrit une femme anéantie par la mort de son fils de 15 ans, David, le 5 juillet 1981 -dix mois avant son propre décès-, après s'être empalé sur le portail de la maison de ses grands-parents. Une femme qui a déjà connu des drames, la dépression et les excès. D'ailleurs une autre thèse dit qu'elle a en fait succombé, accidentellement, à une surdose de médicaments et d'alcool. Mais aujourd'hui, une amie proche de la star, jette un pavé dans la mare, en se levant contre ces théories, affirmant que non seulement Romy ne s'est pas donné la mort, mais qu'elle ne buvait plus et était saine de corps et d'esprit. "Romy Schneider ne s'est pas suicidée. 


Romy n'est pas morte avec des barbituriques et de l'alcool", a affirmé Claude Pétin dans le 19.45 deM6. "Elle était très entourée, aimée, heureuse, assure-t-elle. Elle avait un homme dans sa vie (Laurent Pétin, son beau-frère, ndlr), elle était heureuse!, insiste-t-elle. Elle avait une petite fille magnifique, son petit bout de chou", dont elle était "folle", a-t-elle poursuivi, faisant référence à Sarah Biasini, née de son deuxième mariage, avec Daniel Biasini, et qui avait 4 ans à l'époque. "Elle n'avait pas de raisons" d'avoir des projets morbides. "Romy ne buvait plus" Claude raconte en effet avoir passé sa dernière soirée avec Romy, chez elle, rue de Varenne, également dans le VIIe. "On a dîné à 20 heures. A minuit, on est passé au salon. Mon mari est allé se coucher et le compagnon de Romy est rentré rue Barbet-de-Jouy. A 3 heures et demie du matin, j’ai dit à Romy: 'Il est tard, il faut que tu rentres'", relate-t-elle dans une interview au "Parisien" de ce samedi. Elle l'a raccompagnée, puis quittée vers 4h20. Une demi-heure plus tard, elle recevra un coup de fil de Laurent Pétin lui disant que sa compagne ne respirait plus. Le procureur dira avoir retrouvé de l'alcool et des médicaments. 


Pourtant, Claude Pétin, qui s'est précipitée chez son amie à l'annonce de la tragédie, est formelle: "Il n'y avait aucune bouteille de vin, aucun médicament sur la table du salon de Romy. J'en suis sûre." Selon la confidente, la comédienne deux fois césarisée ne buvait d'ailleurs plus d'alcool. "Elle ne buvait plus que de l’eau. Il y avait une boîte vide de Lexomil ou un médicament de ce genre dans la corbeille de la salle de bains, mais cela ne veut rien dire", a-t-elle ajouté. En effet, elle précise lui avoir proposé un cachet pour l'aider à dormir car elle avait une séance photo le lendemain à 9 heures, mais l'inoubliable Marianne Leroy du film "La Piscine" lui aurait "jeté à la figure" avant de lancer: "Tu sais bien que je n’en prends plus, c’est pour cela que je ne dors plus!" "Si elle a refusé mon tranquillisant, ce n’est pas pour en prendre un autre après!", s'insurge Claude Pétin. 

Un arrêt cardiaque D'après elle, le grand amour d'Alain Delon, serait morte d'un arrêt cardiaque, affaiblie par une ablation du rein environ un an plus tôt. Une mort naturelle que confirmerait le procès-verbal des autorités de l'époque que M6.fr s'est procuré. "Le tubage effectué après sa mort a montré qu’elle n’avait pas absorbé de poison. Un commissaire de police a dressé un procès-verbal. Il a écrit: 'Cette mort est d’origine naturelle'", a confirmé celle qui a gardé le silence durant trois décennies. http://www.parismatch.com/People/Cinema/Romy-Schneider-ne-s-est-pas-suicidee-149810

KUNG FURY

 
un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.
 
 Encore plus d'infos ici
http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2015/05/24/kung-fury-comment-hitler-des-dinosaures-et-david-hasselhoff-se-sont-invites-a-cannes_4639544_766360.html


mardi 26 mai 2015

LE MONDE D'AVATAR EST IL REALISTE ?


Roland Lehoucq est chercheur au service d'astrophysique du centre CEA de Saclay.

Livre disque THE EWOKS JOIN THE FIGHT


MACHA BERANGER racontait LOUIS DE FUNES - 1997


Extrait pioché sur http://www.defunes.net/viewtopic.php?p=10034, 

source : Madame Salade

Je me permets de vous faire lire un extrait de l'autobiographie de Macha Béranger, parue il y a quelques années sous le titre de : " Le coeur dans l'oreille ". 

Cette dernière évoque son amitié avec Louis de Funès. 
Bonne lecture à tous! 

"UN AUDITEUR TRES PARTICULIER 



Une fin de mai 1981… 


Dans le grand hall de la maison de Radio France, la rumeur d’un brouhaha de fête s’échappe à travers les étages. 

Les insignes de l’ordre du Mérite sont remis à mon cher Jean Chouquet pour sa longue carrière d’homme-radio. 

Un peu à l’écart, presque effacé, j’aperçois Louis de Funès. 

Seul. 
A quelques mètres de lui, je me présente à son éternel complice, Robert Dhéry, des Branquignols, et à son épouse, Colette Brosset, pour les inviter dans « Très star »… 

Je ne comprends pas pourquoi, brusquement, je me retrouve face à lui, Louis. 

« Vous êtes Macha Béranger ? 
-Oui. 
-Bonjour. Je suis Louis de Funès.Je suis un de vos fidèles sans-sommeil, et j’admire votre travail. Nous avons un point commun. J’ai pour mission de faire rire, et vous, de réconforter. Finalement, cela se ressemble… » 
Je lui décroche un sourire béat, mêlé d’étonnement. 
J’ignorais qu’il puisse être aussi simple et charmant. 
J’ignorais qu’il puisse être de mes auditeurs, attentif à l’histoire des autres… 

Mon réflexe professionnel prend le dessus. 

« Et si vous veniez vous raconter à mon émission ? 
-Mais pourquoi pas ? « 
Je lui tends un carnet afin qu’il me note un numéro. Il m’écrit tout bonnement son privé, sans barrière d’agent ou d’attaché de presse. 
Je porte la bonne nouvelle à mon Directeur des Programmes, Pierre Whien, qui, haussant les épaules, m’affirme qu’il ne viendra jamais… 
Bien ! C’est ce qu’on va voir ! 

Je parle avec Louis de Funès, sans difficulté, au téléphone. 

Avec sa femme, Jeanne, aussi. Le rendez-vous est pris. 
Nous enregistrons un après-midi. Le soir, il est trop tard et le direct le rend nerveux… 
L’image de ce grand homme, discret, un peu frêle, arrivant dans le long long couloir de France Inter, est clouée dans ma tête. 
Sa timidité, avant de prendre l’antenne, m’émeut. Je le rassure, comme il m’arrive de le faire avec les célèbres qui, parfois, ont un trac démesuré devant mon micro. Quelques furtives secondes, je pose gentiment ma main sur la sienne. Il demande un verre d’eau, avale un médicament. 

Pendant plus d’une heure, il m’entraîne dans une fabuleuse traversée, accrochée aux parois de sa vérité. Dans la cabine, je sens que l’équipe est, tout comme moi, sous l’emprise de son charisme. 


Je cherche vainement à dépister, au détour de ses phrases, quelques-uns de ses fameux tics ou certaines des incroyables mimiques. Si elles apparaissent, elles ne sont ni forcées ni appuyées. 

Il suffit simplement qu’il soulève un sourcil pour que l’on s’étouffe de rire… 
Il devient drôlement nostalgique en évoquant Léonor, sa mère, ardente et coléreuse Espagnole qui, a tout appris du comique à son fils, et dont il garde soigneusement les empreintes. 
Drôlement bouleversant en décrivant son père, merveilleux rêveur qui, courageusement, s’était lancé dans la fabrication des émeraudes alors qu’il était daltonien… 
Drôlement triste en expliquant sa déception de ne plus entendre l’office en latin à l’église. Tant pis, il a maintenant ses messes basses en direct avec Jésus… D’ailleurs ils ont toujours été bien ensemble…Et il l’a même remercié de lui avoir envoyé brutalement deux infarctus dans la même semaine ! 
« Grâce à ces accidents, j’ai enfin renoncé aux excès de table, de tabac et d’alcool. Je me sens mieux. Ma maladie m’a permis de beaucoup réfléchir et de me calmer un peu. » 

Il se détend, s’exprime, volubile, rit, m’enveloppe de son charme, et tout à la fin, s’exclame : 

« Je suis ravi, ravi, ravi… 
- Ravi Jacob ? » 
Je ne suis pas peu fière. Cette fois, c’est moi qui l’ai fait rire. 

Ce personnage, que j’imaginais tout autre, hors rayon de spot, m’a remuée. 

Dans le magazine féminin auquel je collabore, je publie avec son autorisation notre entretien, agrémenté de mes réflexions. Selon mon habitude, je lui envoie l’article, ainsi que la cassette. 
Une énorme gerbe de fleurs m’attend à la maison. Une carte de Louis de Funès, couverte de phrases de remerciement et de mots porte-bonheur à partager avec ma famille… 
Je l’appelle pour, à mon tour, le remercier. 

« Dites donc ( un rituel de ses débuts de phrases…), dites-moi, pourquoi m’avez-vous appelé oiseau-lion ? Je suis troublé. 

- Mais parce que c’est ainsi que je vous ai ressenti. Vous avez la fragilité de l’un, et la force de l’autre… 
- On ne me l’avait encore jamais dit ! 
- C’est dommage ! Mais c’est tant mieux !... » 

Nous voilà partis pour une conversation ronde en complicité. 

Nous pourrions parler espagnol, n’est-ce pas ? Je le pratique un peu, et vous ne l’avez sûrement pas oublié, Monsieur de Funès… 
« De verdad ? Porqué no ? Vamos los dos ! » 
Et puis, il a promis, il m’écoutera encore plus, maintenant qu’il me connaît…Et même, il ira jusqu’à me donner son avis de temps en temps sur les auditeurs, et aussi sur ma façon d’interpréter les poèmes que je lis en direct, un soir sur trois…D’accord, d’accord…On fait comme ça… 
Hasta luego Luis ! 

Nos entretiens de bout du fil durent quelques semaines et puis, le silence. Il tourne les extérieurs de La soupe aux choux, avec Jean Carmet et Jacques Villeret. 

Au courrier d’un matin, je reçois une petite carte-photo avec le téléphone des studios d’Epinay. 
« Je rentre bientôt, venez me voir là-bas, un après-midi. » 
Je mets cette pensée de côté. 
Les vacances d’été pointent leur soleil… 

Septembre 1981. 


J’ai des soucis-angoisses. La nouvelle direction m’a carrément supprimé une heure d’antenne. Je ne comprends pas pourquoi on remplace cette heure de dialogues par du rock. La petite carte-photo ne s’est jamais trouvée bien loin, et me retombe sous les yeux. 

Je téléphone à Epinay, à l’instinct, au cafard, à Louis de Funès. 
J’ai envie d’aller me changer les idées, en lui rendant visite sur le tournage… 
Je laisse le numéro d’amis chez qui je vais dîner le soir, si jamais il veut bien me rappeler… 

Voilà un bon moment que je préviens René et sa femme Joss que je vais peut-être recevoir, chez eux, un appel de Louis de Funès… 

Ils me regardent comme une visionnaire malade qui aurait tendance à délirer et à prendre ses désirs pour des réalités… 

René a la voix un peu tremblante d’ahurissement… 

« Macha, c’est pour toi…C’est…C’est…Louis de Funès. » 
Je bondis. 
« Ah ! Je le savais !...Je vous l’avais bien dit ! » 
Je ne regarde plus leurs mines pantoises, mais je parle et j’écoute, et je raconte… 
Louis est fâché que l’on touche à l’une de ses émissions préférées…Il va écrire sa colère…Il peste et me le jure. Je sais qu’hélas son intervention ne fera pas grand-chose au final, mais sa proposition spontanée me réchauffe. 
Pour Epinay, okay… 

L’esplanade du studio est immense. 

Près des loges-caravanes, je découvre, construites en dur, deux fermes, une rue, une soucoupe volante gigantesque… 

La porte est lourde. Le rouge n’est pas mis, je peux donc tenter de la pousser… 

Ce qui m’attend de l’autre côté m’impressionne. 
Je débouche sur l’énorme décor d’encore une autre ferme. 
Beaucoup de têtes se tournent vers moi. J’ai la pénible impression de déranger. Je me fais plus mince qu’une feuille de papier à cigarette. 
C’est le silence, mais on ne tourne pas, on chuchote religieusement dans des coins… 
Je cherche un visage connu…À l’aide ! 

Une chance, je vois très vite Louis affairé, entouré, installé devant un petit écran vidéo. 

Je n’ai pas d’autre alternative que de foncer sur lui, directe. 
Ma tactique, lorsque je me sens intimidée ou un rien mal à l’aise… 
« Bonjour… 
- Ah ! C’est vous ! » 
Son sourire lumineux efface en une respiration toute ma gêne contenue. 
Gentleman, il me fait chercher immédiatement un siège. 
« Asseyez-vous ! Je vais tourner une courte prise et je reviens… » 
Il se ravise, et demande que l’on emmène le fauteuil portant son nom sur le plateau. 
Autour de lui, on s’exécute, et il est appelé Monsieur, comme un grand patron de médecine. Pas besoin de hurler pour se faire entendre. 

« Suivez-moi, Macha, suivez-moi… » 

Et d’office et d’autorité, il m’invite à prendre place sur le siège sacré. 
Me voilà, un peu estomaquée, plantée dans la salle à manger paysanne. 
Immobile. 
Il s’agit d’un raccord. Louis doit seulement prendre des œufs, avec une mine réjouie, vêtu d’une longue chemise de nuit, d’un bonnet de coton, et chaussé de sabots. 
J’essaie d’oublier les regards inquisiteurs pour me laisser aller à la curiosité intense de le voir travailler, sans être toutefois totalement détendue. Bien trop exposée sous les lumières. 

Malgré les sabots encombrants, Louis marche d’un pas pressé vers sa loge, accompagné de sa maquilleuse et de l’ habilleuse. 

Je suis conviée à les suivre et à assister au démaquillage, au décostumage… 
A moi d’être ravie, ravie, ravie… 

Maintenant, il m’entraîne à la projection des rushes, à l’étage. 

Le ton est infiniment courtois, mais sans appel. 
« Asseyez-vous à côté de moi, et regardez. Vous me donnerez votre avis. » 
La lumière se rallume. J’ose lui dire ma scène préférée de ce que je viens de voir. Puisqu’il me l’a demandé ! 

« Venez ! » 

Louis m’attrape par la main. Nous repartons à grande vitesse dans une petite salle, visionner le montage déjà réalisé sur la « Moritone ». 
Il active lui-même la minuscule machine. 
A l’unisson, nous voilà à sourire, à nous taire ou à nous exclamer. A prendre les couleurs des images qu’il déroule. 
Seuls, pour la première fois… 
Pourtant il me semble…Qu’il y a longtemps, si longtemps… 

Les heures d’évasion se terminent. 

Nous nous quittons. Nous ressemblons à deux enfants à la fin d’un goûter de jeudi. 
J’ai été reçue par un jeune garçon, joyeux, espiègle et sérieux, tout content de m’avoir fait visiter sa maison et de me montrer ses jouets d’émerveillement ; 
J’ai partagé tout l’amusement. 

Le chauffeur attend dans la limousine. 

Je monte dans ma voiture. 
J’ai moins froid, et l’esplanade m’apparaît moins vaste, sans doute à cause des signes charmants jusqu’au bout des au revoir… 
Aujourd’hui, pourquoi aujourd’hui, je suis vraiment tombée dans la lame bleue de son regard…La voit-on assez dans ses films ? 
Il faudra que je lui en parle… 

Ce personnage hors série a tout connu. 

La piano-bar, le cabaret, le théâtre, l’écran, mais la magie de la radio l’intrigue, et l’obsède un peu. Il veut savoir et voir…Démystifier ces duos de voix se balançant au dessus des toits, la nuit… 
Un soir, il s’invite à France Inter. En spectateur. 
Je dois venir plus tôt que d’habitude en raison du tournage d’un spot de pub pour la chaîne. Il ne viendra qu’à la fin, pour ne déranger personne, et ensuite assistera à mon émission. 

Louis est arrivé sans bruit. 

Sa silhouette se dessine dans la cabine. Un sourire clin d’œil… 
Le cadreur s’arrête et dit un peu bas : 
« Je dois avoir des hallucinations, j’ai vu De Funès derrière la vitre… » 
J’éclate de rire. 
« Mais non, mais non, c’est bien lui… » 
A la porte de mon studio, c’est l’attroupement. Tous les habitants nocturnes de la Maison Ronde se pressent. 
Les hommes de ménage veulent aussi des autographes. On n’en revient pas…Louis de Funès en balade. Si naturel, si effacé… 
Je dois un peu comprimer ses admirateurs. 
Chacun a eu son petit mot. 

Il ne veut pas s’asseoir trop près de moi, mais pas trop loin tout de même. 

Il ne manque rien des phrases. Ecoute, réagit silencieusement à chaque conversation, hoche la tête, intrigué ou attendri… 
Cette fraternité des ombres le saisit… 
Nous irons visiter un autre studio, où la nuit n’en finit pas de vivre. Et puis, la salle de rédaction…L’info, les dépêches, les télés allumées, les téléphones du fond des mondes, jamais très endormis… 
Fasciné. Louis est fasciné. Une Amérique au bord de la Seine. 
Il renouvellera la démarche plusieurs fois. 

« Mon Dieu, comme votre bureau est triste, ma petite Macha ! 

- Euh…Oui…Il est surtout minuscule. Mais je n’y suis pas souvent. 
- Je vais m’en occuper. » 
Il va s’en occuper, Louis. Apprenant que je suis fidèle aux roses thé, il m’en enverra deux douzaines chaque semaine, dans cette « travée », jusqu’à la fin de son parcours d’existence… 

Comment expliquer l’inexplicable ? Comment définir l’indéfinissable, l’impalpable de cette tendresse qui nous amarre ? 

Je ne peux toujours pas. 
Un sentiment inclassable au répertoire des perceptions. 
Un rendez-vous astral…Une affinité millénaire… 

« J’ai dû vous connaître lorsque j’avais huit ans, Macha… 

- J’étais encore dans l’espace… 
- Et alors ? » 

Nos bavardages-confidences n’en finissent pas. Ils se jouent sur toutes les scènes de nos itinéraires réciproques. 

Louis est intarissable et, si je sais écouter, je ne suis pas une silencieuse non plus. 

Son fameux château du Cellier, aux trois cent soixante-cinq fenêtres ? Il n’y en a pas autant…Et puis, ce n’est surtout pas pour se conduire en Monsieur-qui-a-des-sous ! 

Non. Il a seulement voulu rendre à Jeanne, sa femme, le décor de son adolescence. Avec les bouquets de nostalgie des vacances d’autrefois chez l’une des tantes de Jeanne, la comtesse Marie de Maupassant. 
C’est là que Jeanne et Louis se sont connus et ont rencontré ceux qu’ils ont le plus aimés. Et dans ce cadre Louis XIII, Jeanne s’adonne passionnément au piano classique. 
Louis a abandonné le clavier. Pourtant il n’oublie pas toutes ces nuits dans les bars, où, acteur inconnu, il jouait jusqu’à l’aube pour nourrir sa famille. 

Dans sa campagne, Louis devient homme des bois, et se dépeint sauvage et solitaire. 

Huit kilomètres de marche chaque jour, dans le parc, le nez au vent, libre, observant la nature avec attachement. Elle ne lui refuse rien, tant il l’a démasquée depuis son plus jeune âge. 
L’homme aux mille éclats de rire se mue en un jardinier extraordinaire. Il cultive, plante, bêche, sarcle, creuse, gratte et sort d’énormes brouettes de carottes, de poireaux, d’artichauts ou de céleri. 
Sa joie de faire pousser la vie du bout de ses doigts touche à l’extase. 

Du Cellier, il m’appelle souvent, et sait à l’unique m’imiter dans le téléphone les différents trilles d’un pinson, m’apprendre la plus délicate façon d’effleurer un rouge-gorge ou me décrire, avec une infinie poésie, l’odeur que dégage le cassissier à l’approche du printemps… 


Il s’offre souvent des inquiétudes paternelles pour ses enfants et leur devenir… 

Très épris de sa petite-fille, Julia, trois ans, il veut l’entendre chaque jour, et lui raconte des histoires inimaginables d’éléphant ayant traversé sa chambre. Pour le joie de la réponse de son rire enfantin…Merveilleux hommage. 
« Je ne suis qu’un éternel petit garçon. Tous les enfants l’ont compris… » 

Louis n’est pas essentiellement tourné vers lui et son clan. Il me fait la grâce de partager mes propres angoisses ou, parfois même, de les précéder. 

« Vos retours la nuit sont dangereux. Toute cette route seule en voiture et à travers ces bois…Souvent, je tremble pour vous. » 
(J’habite près de Rambouillet depuis quatre ans…) 

Il y a la guerre au Liban. Beau-Jérôme est au service militaire. Incorporé chez les paras. 

« J’espère qu’ils ne vont pas l’envoyer là-bas tout de même ! Il est si jeune§ Il est bien nourri au moins ? » 

Ce décideur-protecteur se délecte des colères-énervements que je lui délivre à chaud, à propos de mes contrariétés variées ? Pour des riens ou des importances… 

Nos tempéraments latins et volcaniques se rejoignent. 
« Vous me rappelez ma mère et, comme elle, vous me faites rire…Moi, je suis surtout coléreux dans mes films. Je me permets tout ce que je ne m’autorise pas dans la vie…Pratique, hein ? » 

Louis ne s’offusque pas de ma nature directe. Il la réclame. Loin d’être dupe des flatteurs-bonimenteurs, il aperçu intuitivement que je suis fort éloignée de cette stratégie. 

A une question, je lui donne ma vérité-réponse. 
Ma vérité de respect. Ma vérité d’authenticité, et non l’inévitable attendu. 

Nous nous faisons ce présent mutuel. 

Le plus souvent, empaqueté de délicieuses rigolades adolescentes. 

Décembre 1981. 


La soupe aux choux va enfin se montrer sur les écrans. 

Louis rejoint « De Funès », et est terrorisé. 
« A la sortie d’un nouveau film, j’ai peur d’une mouche qui vole de travers ! » 
Au Marignan, il tient à ce que j’assiste à une séance normale du film, à ses côtés. Il se veut incognito, et souhaite juste prendre la température de ses fidèles. 
La salle l’a tout de même reconnu, et l’applaudit dès qu’il se lève. Rassuré, il sourit… 
« Vous savez, Macha, j’évite de sortir lorsque je ne suis pas de bonne humeur. Je veux toujours être agréable avec le public… » 
Message utile, reçu et gardé. 

Il n’est pas de jour où Louis ne soit abordé très gentiment, pour signer des autographes. Il s’y plie volontiers. Lorsque je suis à ses côtés, il n’omet pas de demander si l’on me reconnaît. 

(A cette époque, je suis plus connue de voix et de nom que de visage…) 
« Faites-la signer aussi. C’est une bienfaitrice, Macha. » 
L’adorable phrase se pose en velours sur mon cœur ; 
Elle me sublime et me submerge en générosité. 

Toujours décembre 1981. 


Louis de Funès sera l’invité principal d’un « Grand Anniversaire » animé à la télévision par Guy Béart… 

Diffusion durant la veillée de Noël. 
L’évènement est rare. 
Louis me demande d’y participer. Je suis très sensible à sa proposition, mais pourrai-je vraiment être disponible trois jours entiers, alors que je travaille si tard dans la nuit… 
Je devrai me lever tellement plus tôt… 
« Nous ne commençons qu’à midi…Venez auprès de moi…Je serais si heureux que vous puissez parler de votre émission… » 

Un peu hagarde, j’arrive aux studios de Billancourt sur les quais de Boulogne. 

Guy Béart ne fait pas les choses à moitié. 
Sous les caméras de Rémy Grumbach, il a réuni une multitude de figures du cinéma, du théâtre, de la chanson, et même de la médecine. Des hommes de toutes les Eglises forment, en plus, un rassemblement œcuménique… 
Le mélange est savant. Du léger au recueillement, autour d’une piste de cirque… 

Louis m’a assise à côté de lui. 

Les photographes le mitraillent, et moi, forcément avec. 
Notre amitié commence à de s’ébruiter. Louis m’a demandé quelquefois d’écrire des articles. J’aime parler de lui, et le faire parler de lui. Il sait que je le connais en majeur, et m’a un peu choisie pour être l’une de ses plumes attitrées. 
« Vous êtes sa journaliste préférée », m’a déclaré Jeanne, son épouse. 
Le compliment est de taille et je l’apprécie à son juste prix. 

Tant d’artistes sont conviés qu’il n’y a pas de loge pour tous. Louis m’en a réservé une. Elle est petite et un peu froide. Il pousse l’extrême délicatesse jusqu’à brancher lui-même un chauffage d’appoint, le matin, avant mon arrivée. Je le prêterai à ceux qui n’ont pas de lieu pour se changer. 


Les monologues, les dialogues autour de la foi, arbitrés par Béart, se succèdent, intercalés de sketches ou de chansons reprises en chœur. 

Ces trois jours se vivent dans une espèce de douce extravagance. Sans plan précis, sans horaire bien arrêté…La réunion d’une grande famille un peu exceptionnelle. 
Le temps à part, dégusté… 

Jean-Louis Barrault évoque des souvenirs de théâtre avec son indispensable Madeleine. 

Brusquement, au détour d’une anecdote, il s’élance sur la piste et entame, seul, un charleston. Le petit orchestre le suit. Valérie Mairesse le rejoint. 
Je me trémousse un peu sur mon siège. Le rythme est irrésistible. 
Louis me souffle : 
« Allez-y ! » 
Sans son intervention, je n’aurais pas osé…Et en trio, nous voilà plongés au cœur des Années folles. 
Je reviens à ma place un peu essoufflée, et lance à Louis un de ses mots favoris : 
« Alors, je vous ai épaté ? 
- Oui ! » 

Guy Béart fait évoquer à Louis ses débuts de pianiste-bar, du soir jusqu’à l’aurore. 

Un grand piano luisant brille dans un coin du plateau. 
Louis va-t-il l’approcher ? Instant espéré de tous… 
Lentement il se lève et se dirige vers l’instrument qui l’a tant attaché et joue dans un silence plus qu’incomparable… 
En fin de morceau, sous les applaudissements, de ma pénombre, je le vois me chercher des yeux… 
Son grand signe m’indique de le rejoindre… 
Nous avons déjà joué ensemble à quatre mains pour un reportage. Nous avons déjà chanté Blue Moon, et des tangos argentinos… 
« Vamonos ? » 

J’entraîne d’autres convives avec moi. Peut-être irons-nous au blues, s’il a décidé d’être en forme et de tourner sa joie en musique… 

Louis nous a donné le meilleur, et nous avons essayé de le lui rendre. 
Les chœurs improvisés ont bien suivi pour l’incontournable Oh, when the saints go marchin’ in…Nous avons chanté, dansé et tapé dans les mains, en surprise-partie improvisée… 
Revenant à nos places, un peu en sueur de fatigue et d’excitation : 
« Alors, je vous ai épatée, Macha ? 
- Oui ! Mieux que ça ! » 

Jeanne de Funès vient au studio. Je la rencontre enfin. Nous déjeunons à la cantine et sympathisons infiniment…Elle restera en invitée tout le dernier jour, Louis installé entre nous deux. 


Louis est content de ce show télévisé. 

A la projection, je suis horrifiée de mon teint livide et de mes yeux cernés, mendiants de sommeil. 
Louis n’a rien remarqué. 
« Mais non, mais non ! Allons ! Ce n’est pas grave !...C’est un beau souvenir, non ? » 

Un beau souvenir ? 

Une trace inéclipsable… 

Au milieu de 1982. 


Un autre après-midi. Un autre cinéma. Un autre film. 

Louis bouillonne de voir Ragtime, et j’ai le temps de l’accompagner. 
Maurice, le chauffeur, va prendre en douce les places, afin de nous éviter de faire la queue. 
Nous remontons la longue file, avec l’air faussement innocent des fraudeurs… 
Louis me chuchote : 
« S’il y en a un qui crie « A mort », on est foutus ! » 

Un théâtre. Le Saint-Georges. 

J’ai deux places pour Le Charimari joué par la délicieuse Micheline Boudet et par Pierre Tornade, souvent complice de Louis. 
Louis est seul à Paris…M’accompagnerez-vous ? 

Nous sommes au premier rang. 

La pièce est enlevée et drôle, et l’ennui est loin de nous gagner. 
Je m’aperçois que je n’entends plus le rire de Louis. 
Je le regarde. IL semble en cire. 
Penchée à son oreille… 
« Que se passe-t-il ? 
- Je ne sens plus ma jambe droite, ni la gauche. A mon avis, je ne sors plus jamais de ce fauteuil. 
- Que fait-on ? 
- Rien ! » 
Il m’a inquiétée et je n’écoute plus autant la pièce… 
Louis me sent sûrement tendue et, après d’interminables minutes, me rassure d’une prunelle malicieuse… 

Le rideau tombe. 

« Vous n’avez pas cru à mon malaise, ma petite Macha ? C’était une blague ! » 
Je n’en suis toujours pas si sûre… 
Il a bien été capable d’endurer les pires inquiétudes et les pires douleurs, tant il dû redouter de semer le moindre désordre chez les spectateurs et les acteurs… 
Religieux du spectacle… 
Dans les coulisses où Louis tient à saluer ses camarades, un début de fou nerveux, mêlé d’un vieux reste de panique, nous accompagne… 
Personne ne comprend notre hilarité secrète. Et nous la gardons jalousement. 
Pierre Tornade nous révèle qu’ayant appris la présence de Louis dans la salle, il a déclaré à Micheline Boudet, avant le lever du rideau : 
« De Funès me tétanise ! Je ne pourrai pas jouer ! » 
La bonne humeur a eu tout de même raison de la peur des deux côtés de la rampe, ce soi-là… 

Avril 1982. 


Le scénario du Gendarme et des Gendarmettes est fini. 

Louis me fait l’honneur de me donner le script à lire. Je rajoute, toujours à sa demande, deux ou trois trouvailles de répliques, qu’il me fait le plaisir de garder. 

Me voilà de retour dans un autre studio de Billancourt-Boulogne. 

Louis a endossé pour la sixième fois, sous la direction de Jean Girault, le célébrissime uniforme. 
Il est fatigué, se repose beaucoup entre chaque prise, et doit céder à la sieste, impérative pour sa santé… 
Il rejoindra Saint-Tropez l’été, pour achever le tournage. 
Je partirai aussi sous la chaleur. Mais une autre. 

« Vos vacances sont belles, Macha ? Il y a de beaux garçons autour de la piscine ? 

- Et vous, avec vos gendarmettes ? Vous ne vous sentez pas trop seul ? » 

Octobre 1982. 


Louis revient se livrer au micro de France-Inter…Pour la troisième fois… 

Il me quitte, faisant mine de boiter affreusement. Auguste clown. Mes gloussements de gamine en révérence… 

Décembre 1982. 


Je dois encore le remercier pour sa toujours extravagante boîte de chocolats traditionnelle…Si grande, si ronde, si de dentelle habillée sur fond de bleu… 


Janvier 1983. 


Louis est parti à la neige des Arcs, avec Jeanne et sa famille. 

Je m’envole dans quelques jours une semaine à Londres. 
« Vous avez une curieuse voix, Louis ! 
- Oui, je sais…Je suis terriblement enroué et j’ai une mauvaise bronchite. » 
Je lui donne le nom de pastilles idéales afin qu’il retrouve de belles cordes vocales. 
« Alors, pas de ski, ni de luge ? 
- J’ai horreur du froid ! 
- Soignez-vous bien Louis, je vous en prie ! 
- Oui, belle enfant. Et vous, soyez sage ! 
- Au revoir…Au revoir… » 

27 janvier 1983. 

Je rentre de Londres dans la matinée. 

Dix-neuf heures trente. 

Je tournicote, agitée, sans raison. 
Je monte de descends, mécanique, les escaliers de la maison. 
Je ne peux m’appliquer à rien, les objets s’échappent de mes doigts. 
Mon esprit refuse de s’agrafer. Mon attention, de se ranger. 
Napoléon-Jacques me sent inhabituelle. 
« Je vais me coucher. 
- Quoi, A cette heure ? Tu es malade ? 
- Non. J’ai besoin de silence…C’est tout… » 
La réponse ne doit pas le rassurer. 
Il sait trop que je le fuis avec des frémissements de terreur, cet horrible silence. Surtout à l’arrivée du sombre de la nuit… 

Je m’allonge. 

Je n’ai ni envie ni besoin d’allumer la télé du bout du lit, d’écouter la radio, ni même de ma musique préférée. 
A l’exceptionnel, je ne veux que du noir et le sans bruit du noir. 
Lourd et léger, envahi d’un mal énigmatique indolore, mon corps décroche et m’entraîne au-delà de mes bordures habituelles. Je me vois le quitter presque évanescente et voleter dans l’aérien du haut…Douce spirale…Au-dedans de l’immensément loin. 
Je m’endors… 

28 janvier 1983. 


Napoléon-Jacques tente de me réveiller… 

« Macha, ma chérie…Il est arrivé un malheur… 
- Quoi ? Jérôme chez les paras ? 
- Non. Louis de Funès est mort, hier soir. 
- Oh non ! A…A quelle heure ? 
- Vers vingt heures trente, vingt et une heures, je crois. Une crise cardiaque brutale… » 

Je l’avais donc accompagné dans sa ténébreuse vadrouille… 

Ainsi, nous nous étions promenés le long du dernier corridor. 

Je n’ai pas connu LdF, Loulou, de Funès ou Monsieur de Funès. 

J’ai rencontré Louis. Vous savez ? Louis. 
Louis. 
Sa légende de dur, de maniaque, d’avare et de refus-la –tendresse ? Connais pas. 
J’ai partagé ce privilège avec quelques autres, sans doute. 
J’ai reçu le cadeau de l’innocence de son génie… 
Lorsque l’on sait si bien parler aux fleurs et aux arbres, être à la fois si proche de la terre, des enfants et du bon Dieu, on ne peut pas être loin du cœur des hommes… 
Ni non plus en être oublié… 

Louis, s’il vous plaît, du balcon du ciel, regardez-moi rire avec vous, alors que je vous pleure encore… 

Votre voix m’appelle souvent. Elle me raconte votre maintenant. Vos rêves d’avant. 
Jouer du piano avec Chopin… 
Faire des pirouettes avec Chaplin…" 


Macha Béranger 

1997.
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