Madonna, dans le milieu très fermé du cinéma, a toujours été vue comme une parvenue, une paria. Quoiqu’elle fasse elle a toujours été répudiée. Pourquoi cette artiste multicartes amatrice de défis et très ambitieuse s’est-elle mis à dos toute la planète cinéma ? Pour cela il faut remonter au tout début de sa carrière d’actrice à laquelle elle a récemment mis un point fut-il définitif.
Tout d’abord sa carrière est très liée à l’image et au cinéma. Se consacrant avant tout à la chanson (premier album en 1983), Madonna n’en n’avait pas pour autant oublier son envie de devenir une icône complète incluant par la même le cinéma. Après l’énorme succès de ses deux premiers albums (The First Album et Like a Virgin) contenant plusieurs tubes de la chanteuse dont Lucky Star, Borderline, Holiday, Material Girl, Like a Virgin, et Into the Groove, Madonna avait une réputation qui commençait à naître mais qui avait aussi son revers de médaille et elle ne rentra pas par la grande porte du cinéma. Susan Seidelman eut du mal à imposer son projet et Madonna pour la production de Recherche Susan Désespérément. C’est lors d’un second screen test qu’elle fut choisie pour interpréter le rôle de Susan.
A ses côtés on retrouve Rosanna Arquette avec qui elle forme un joli duo à l’écran. Le film, même si aujourd’hui daté, fut en son temps un succès critique qui révéla Madonna au cinéma. C’était la révélation de l’œuvre éclipsant par la même sa partenaire. Et il est vrai que son naturel et son charisme font mouche dans ce petit film.
Un an après ce succès et celui de sa tournée (Virgin Tour) Madonna retourne vers les studios pour, ce qui peut-être considéré aujourd’hui comme son pire film : Shangai Surprise. C’est à partir de ce moment précis que Madonna sera considéré comme l’une des plus mauvaises actrices du monde par la presse et le public. Tourné avec son mari de l’époque avec qui Madonna défrayait la chronique (Sean Penn), le film de Jim Goddard tentait de surfer sur une mode éphémère : celle des films d’aventures vintages (Indiana Jones et ses pâles copies Allan Quatermain par exemple). Malheureusement pour elle le film était mal écrit et le couple star fut très mal dirigé, donnant l’impression aux spectateurs du monde entier qu’ils n’en n’avaient rien à faire de ce gros projet. Cette année là (1986) elle remporta la framboise d’or de la pire actrice pour le film ce qui fut entièrement mérité malgré le fait que son mari la méritait lui aussi amplement. C’est à partir de ce moment que la presse ciné s’est acharnée sur elle. Peut-être un peu plus de modestie de la part de la star dans ses propos auraient pu attendrir les critiques ! Mais que nenni, Madonna reste fière et droite comme un i et continue sa route du côté d’Hollywood. Son album True Blue est un immense succès (Papa don’t Preach, La isla bonita…) faisant oublier le ratage artistique de son film mais n’effaçant pas aux yeux des critiques ce qu’ils avaient tous envie de faire à l’époque : descendre la star.
Un an plus tard elle revient sur les écrans du monde entier dans une comédie furieusement barrée, idiote comme tout mais qui a gagné au fil des années une aura pop culte pas piquée des hannetons. Rendons grâce en France à feu La Cinq qui diffusait toutes les joyeusetés américaines dont Who’s That Girl et Les Goonies entre autres étaient pour moi les meilleurs moments de mon enfance devant cette chaîne. Ce film fut vivement critiqué (encore une fois) mais pour les mauvaises raisons. Le film, à l’évidence, est taillé pour la star, la réinventant le temps d’un générique en personnage de cartoon (excellente intro). Dans ce film particulièrement elle pousse le bouchon de la comédie si loin qu’elle en devient très attachante. Jouant l’idiote charmante et dangereuse, elle forme à l’écran un duo croquignolet avec Griffin Dunne, tout droit débarqué de chez Scorsese (l’excellent After Hours avec Rosanna Arquette, tiens tiens) sous la direction de James Foley qui l’année précédente avait dirigé son mari dans Comme un chien enragé (tiens tiens). On comprend désormais mieux pourquoi les critiques furent plus tendre à l’encontre de son mari pour sa désastreuse interprétation dans Shangai Surprise !
Tout le casting sur-jouant le burlesque avec un plaisir communicatif feront de ce petit objet culte 80’s, une vraie bouffée d’air pur. Ce qui ne sera pas du tout du goût des critiques qui casseront une fois de plus Madonna (framboise d’or de la pire actrice) et le film. Madonna avouera plus tard qu’elle était aussi mauvaise que le film. Sûrement influencée par les critiques et le vacarme autour du film, on voit dans cette déclaration un premier stigmate sur sa carrière ciné qui ne prend pas du tout. C’est bête car le film est un joyeux bordel sympathique qui respire le burlesque à plein nez et l’aura mythique des productions us. des années 80. Pas du grand cinéma pour la plupart mais des divertissements qui pour nous, enfants de cette période, signifient quelque chose d’important. Ecrit par Andrew Smith de l’écurie Saturday Night Live et Ken Finkleman, Who’s That Girl mérite d’être considéré pour ce qu’il est : un film fun ! Le film fut donc un bide commercial mais n’empêcha nullement son album et sa tournée Who’s that Girl d’être des succès colossaux.
1989 est l’année où Madonna apparaîtra dans un film médiatiquement confidentiel (Bloodhounds on Broadway) qui passera au festival de Cannes et puis c’est tout. Sorti uniquement aux U.s.a. et en vidéo dans le reste du monde, le film est devenu une rareté au point que personne ne semble s’en souvenir. Une comédie musicale qui lui vaut une nomination à la framboise d’or de la pire actrice de second rôle. L’acharnement ayant débuté trois ans auparavant, il n’en sera que plus intense au fil des ans. C’est aussi l’année où ses clips et chansons deviennent plus suggestifs que jamais. La religion étant mélangée au sexe font de son clip Like A Prayer un véritable scandale un peu partout dans le monde. Et malgré le succès moindre mais tout de même très impressionnant de son album Like a Prayer, Madonna à l’air de s’attacher au cinéma comme si elle attendait LE rôle où son talent d’actrice serait enfin salué. Et c’est un an plus tard avec Dick Tracy que Madonna va recevoir quelques éloges. Baissant drastiquement son salaire, assurant la bande originale (au demeurant franchement pas terrible à part le tube Vogue), Louise Ciccone va voir un espoir dans une carrière qui n’a jamais vraiment décollé. Le film, réalisé par Warren Beatty, fut un succès relatif au box-office mais fut pourtant remarqué à sa sortie. Superbes maquillages, décors et costumes ; comédiens sur-jouant avec un plaisir évident (Al Pacino en est la meilleure preuve), le film remporta plus d’une trentaine de nominations dans diverses cérémonies. Aux Oscar le film remporta trois Oscar sur 7 nominations mais Madonna, épargnée par la presse, ne fut pas nominée. On voit déjà avec ces nominations que Madonna était persona non grata à Hollywood. Pourtant brillante en vamp sexy, elle ne reçut qu’une nomination aux Saturn Awards qui, objectivement, nominèrent son talent dans ce film. Pas bien grave, la Madone en veut et va continuer son bout de chemin.
L’année suivante elle apparaîtra dans le documentaire In bed with Madonna, la montrant sous tous les angles et pas les plus glorieux (on voit bien son caractère dur et son côté prétentieux qui peut en excéder plus d’un), le film restera comme un testament à charge et à décharge. Nouvelle nomination aux Framboises d’or (là ils commencent à ne plus être drôles du tout ) ! La même année elle accepte un petit rôle dans un grand film d’un grand maître : Ombres et Brouillard de Woody Allen. Mal connu du grand public ce film magistral du bigleux le plus célèbre du 7ème Art prouve son envie de projets plus prestigieux non plus bâtis sur son nom. Madonna veut une légitimité et pourquoi pas un rôle à Oscar ?
Son talent dramatique après ces quelques expériences s’aiguise peu à peu jusqu’à devenir franchement émouvante dans la comédie dramatique de Penny Marshall (réalisatrice culte des 80’s avec Jupin’ Jack Flash et Big à son actif), Une Equipe hors du commun. Interprétant le troisième rôle de ce bon film sur le base-ball féminin, Madonna commence vraiment à s’imposer lentement mais sûrement, dans le bon œil des critiques de l’époque. Laissant le spot lumineux sur Tom Hanks et Geena Davis, elle fait preuve d’humilité, sentiment qu’on ne lui connaissait guère auparavant. Le tube qu’elle chante sur la b.o. est un succès (This used to be my playground) et fait revivre aux spectateurs encore émus l’émouvante vision de ce film aussi simple qu’efficace. 1992 est aussi l’année où Madonna entre dans une période que je décrirais volontiers d’extra-séxuée ! Avec la sortie du livre et du cd Erotica, Madonna choque une fois de plus son audience et plus largement les bonnes mœurs. Désormais il sera difficile de voir la star mondiale redescendre de son piédestal pour la simple et bonne raison qu’en artiste complète, elle se réinvente à chaque fois. Un film où elle tient un rôle sage sort l’été ; pas de souci elle va vous chavirer tous les sens à l’automne avec ses dépravations. Son image devient de plus en plus floue et en même temps fascine au plus haut point. Le disque se vend moins bien que les autres (faut dire que mis à part les titres Erotica et Bad Girl voire Fever, il est trop étrange et sombre pour retrouver tout son large public) mais le livre est un véritable succès.
Surfant sur cette mode sexuelle de mise à Hollywood aux début des années 90 et jouant de son personnage de femme libre et sans tabous, Madonna interprète le rôle principal de Body face à Willem Dafoe début 1993. Le film est un échec commercial et artistique. Trop copié sur le hit Basic Instinct, Body se vautre largement ne laissant qu’aux spectateurs (et trices) du monde entier le souvenir d’une Madonna au corps sublime jouant toujours avec sa sexualité débridée de l’époque. A la revoyure, le film fonctionne comme une série b., variation mollassonne des films noirs des années 40, mais comparé à un grand film comme Basic Instinct, Body ne tient jamais la comparaison. Elle obtiendra une nouvelle fois la framboise d’or de la pire actrice et des critiques peu élogieuses pour son rôle de mante religieuse. Mais ce qui reste amusant c’est le fait que la même année les critiques du monde entier saluent tous sa prestation dans le film de Abel Ferrarra, Snake Eyes. Face à Harvey Keitel elle s’y montre géniale dans un film entre vérité et fiction absolument fascinant. Et cette fois-ci les framboises d’or ferment leur clapet de mauvaise augure ! Le film est très critiqué pour son scénario mi documentaire mi fictionnel et même Madonna n’est pas tendre avec l’artiste Ferrarra, aussi bordélique que ses films. Elle dira de lui, habituée qu’elle est des piques mortelles : « Je pensais que je pouvais m’en servir pour faire une performance mémorable… Car même si je déteste ce film, je suis bonne actrice dedans. ». Ferrarra rétorquera à cela une dizaine d’années plus tard « qu’elle ne fait pas partie du monde du cinéma » ! Tout est dit ! Madonna a la langue trempée dans le cyanure et comme sa seule idéologie est d’être la plus grosse star possible, le monde du cinéma habitué aux sourires hypocrites et aux compliments feints, ne lui fera plus jamais de cadeaux !
Quelques petits rôles dans Brooklyn Boogie, Girl 6 et Four Rooms la feront patienter jusqu’à son plus grand rôle à ce jour, celui d’Evita Peron. L’adaptation musicale de la vie de la plus controversée des figures politiques de ces cinquante dernières années était une aubaine pour elle. Ce rôle elle l’a ardemment désiré. Meryl Streep a failli remporter le morceau mais sa voix étant ce qu’elle est (Mamma Mia quand même !), Madonna finit par obtenir le rôle de sa vie. Entièrement constitué comme un opéra-rock (Andrew Lloyd Webber et Tim Rice derrière le musical) Evita est une œuvre formidable. Décrié ici et là pour sa froideur, le film reste totalement critique vis-à-vis du personnage historique et entraîne le spectateur de la plus belle façon avec un livret ahurissant. Mis en lumière par le génie de la photo Darius Khondji, le film d’Alan Parker est une réussite formelle qui en a laissé plus d’un de marbre. Sûrement l’aspect entièrement chanté a dû en agacer certains. Pourtant la prestation aussi bien dramatique que musicale de Madonna est parfaitement maîtrisée. Les Oscar ignorent encore Madonna, là où les Golden Globes lui donnent la statuette de meilleure actrice dramatique. Véritablement mérité, ce prix n’altérera rien à l’image que Madonna renvoie aux yeux du monde du ciné. Elle n’y est pas désirée !
Deux ans après Madonna sort un nouvel album (après la bo d’Evita) qui deviendra l’un de ses plus grands succès : Ray of Light. Se réinventant un nouveau personnage (plus spirituel, loin de ses excès sexuels d’il y a quelques années) Madonna s’éloigne un temps des studios qu’elle rejoindra en 2000 pour la chronique Un couple presque Parfait aux côtés de Ruppert Everett. Le film ne sera pas un grand succès et son interprétation mitigée donnera du grain à moudre à ses détracteurs du monde entier et aux Razzies en particulier qui lui décernèrent le prix de la pire actrice, un an après celui de la pire actrice du siècle. On sait bien que ces récompenses ne valent pas grand-chose (Showgirls, pire film de la décennie alors que bon nombre de critiques influents revoient aujourd’hui leurs copies et affirment ce que j’ai toujours pensé : Showgirls est un grand film mésestimé, en totale adéquation avec le reste de la production de Verhoeven) mais elle sont la preuve de l’acharnement médiatique que Madonna a subi en entrant dans la sphère bien fermée du 7ème Art.
Après un court métrage avec son mari de l’époque, Guy Ritchie (Star en 2001), brillant exercice de style sur une star cruelle, où la Madone joue avec sa réputation et son image de bitch, folle de contrôle, l’actrice la plus détestée de la planète joue de nouveau sous la direction de son mari dans ce qui semble être l’aboutissement de Star dans un remake d’un film italien anodin des années 70, A la dérive. Peut-être le film le plus mésestimé de sa carrière. Bide monumental, critiques plus qu’assassines, A la dérive est le premier échec critique de Guy Ritchie qui quoiqu’on en dise est un réalisateur anecdotique. Cet opus tourné avec sa femme est aussi superficiel que Snatch ou Arnaque, crimes et Botanique. Mais ça les spectateurs du monde entier ne veulent pas l’entendre. Oui A la dérive est anecdotique mais tout autant que ses autres opus et également tout aussi fun. J’avais fait le pari de montrer ce film au plus grand nombre de personnes possible juste avant qu’il n’arrive en France ainsi que sa réputation peu flatteuse et bizarrement, sans que les gens ne sachent rien de la réputation du film (merci aux zone 1 de sortir souvent avant la sortie ciné en France), sur un ratio de 25 personnes aux goût aussi différents les uns que les autres, seuls deux-trois personnes n’aimaient pas le film soit pour sa fin dramatique contrastant avec la reste du métrage, soit pour Madonna qu’ils exécraient plus que tout. Donc ce petit exemple montre bien les limites de critiques plus que subjectives ! Madonna dérange par son côté orgueilleux, prétentieux et les gens ne veulent pas admettre qu’elle puisse être plutôt bonne comédienne. Je dis plutôt car cet article n’est pas fait dans le but de faire découvrir aux yeux des gens une grande actrice mésestimée mais juste de remettre les points sur les i. Madonna peut être atroce comédienne (Shangai Surprise par exemple), moyennement convaincante (Body), convaincante (A la dérive, Who’s that Girl, Recherche Susan…), bonne comédienne (Une Equipe hors du commun), brillante (Snake Eyes, Evita) et ça personne ne le relève souvent.
Après une brève apparition rigolote dans Meurs un Autre Jour, Madonna a décidé d’arrêter la comédie. Pour satisfaire les critiques, sûrement. Près de vingt ans de critiques catastrophiques font de Madonna l’actrice la plus détestée du cinéma (dans le même genre je la trouve aussi crédible qu’Angelina Jolie, qui comme elle peut être bonne comme mauvaise) et reste pour moi un mystère quant à l’objectivité de la plupart des critiques et spectateurs. Pour exemple, son premier long en tant que réalisatrice, Obscénité et Vertu, un petit film aussi atypique que frais, salué ici et là, a reçu un accueil plus que détestable en France alors que pour un premier film, il est plutôt maîtrisé. Madonna étant une énorme star mondiale, son succès en agace plus d’un et son incursion dans le milieu du cinéma est l’une des incursions les plus ratées en termes de succès autant public que critique et seul Evita restera dans l’histoire comme son unique réussite. Pourtant malgré quelques ratés, Madonna reste une personnalité aussi fascinante qu’irritante qui a un charisme fait pour être filmé. On attend donc de voir son nouveau long de réalisatrice, Blade to the Heat, et ainsi pouvoir mesurer son réel talent de conteur. Madonna et la cinéma, une histoire qui n’a pas fonctionné mais qui reste l’un des cas les plus suspects de haine envers une star omniprésente.