Le hasard fait quand même bien les choses... Alors que doit sortir, le 24 octobre, le 35e album des aventures d'Astérix – Astérix chez les Pictes, le premier à être réalisé sans aucun des créateurs de la série, René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo (86 ans) –, la Bibliothèque nationale de France (BNF) consacre une vaste exposition au plus célèbre Gaulois de l'histoire de la bande dessinée. "Une heureuse coïncidence", précise-t-on du côté de la BNF, où l'on rappelle que l'événement s'inscrit dans la suite logique du don, fait par Albert Uderzo, à l'établissement, en mars 2011, des planches originales de trois de ses albums : Astérix le Gaulois, La Serpe d'or et Astérix chez les Belges (le dernier signé de René Goscinny).
l'exposition vaut principalement par l'accrochage d'un nombre important de planches (76), dont la fonction est d'illustrer les thèmes récurrents d'une exégèse abondante et connue. Les deux tiers de ces pages grand format viennent directement du legs d'Uderzo à la BNF. Les autres ont été empruntées en grande partie au même Uderzo (qui a conservé le gros de son œuvre
S'il s'est également illustré dans le style réaliste (avec Tanguy et Laverdure), Uderzo a longtemps été rangé dans la catégorie des dessinateurs de "gros nez" – en opposition aux tenants de la "ligne claire" façon Hergé. C'était oublier sa maîtrise du mouvement (que n'aurait pas reniée Franquin, autre monstre sacré de la bande dessinée franco-belge), sa facilité à remplir harmonieusement chaque case, son goût immodéré pour le lettrage et les onomatopées et, bien sûr, son art du séquençage.
L'une des plus belles planches de la série, sinon la plus belle, est présente à la BNF : tirée du Bouclier arverne, elle montre Astérix et Obélix marchant fâchés sur une route avant de tomber dans les bras l'un de l'autre, sous le regard blasé d'Idéfix. Neuf cases d'un bonheur partagé et absolu.
Dans un tout autre registre, les vitrines accueillant les pages manuscrites et dactylographiées de René Goscinny méritent de longs arrêts. Le scénariste avait une façon très particulière de travailler. Il couchait d'abord des notes en vrac sur une thématique choisie (les Jeux olympiques, les Bretons, les Corses...), sans s'interdire le moindre stéréotype. Puis rédigeait l'équivalent d'une nouvelle qu'il découpait ensuite en planches, puis en cases – sans manquer d'y apporter des annotations personnelles, du type "Je regrette Bébert", adressée à son partenaire à qui il demande, ici, de représenter une bataille entre deux armées romaines.
Pour avoir été lui-même dessinateur au début de sa carrière, Goscinny connaissait les affres du métier.
L'exposition montre ses premières œuvres. Elle montre aussi une gouache, effectuée à l'adolescence, représentant Blanche-Neige et les sept nains, d'après le film de Walt Disney. Sur le mur opposé, une autre gouache, peinte par Uderzo à l'âge de 14 ans, met en scène les mêmes personnages. Ces deux-là ne pouvaient que se rencontrer.
Goscinny possédait également trois petits répertoires alphabétiques – un pour les Gaulois, un pour les Romains, un pour les étrangers –, où il consignait ses célèbres créations patronymiques. Il est naturellement impossible de les feuilleter. On aurait tant aimé connaître les noms que l'inventeur de Iélosubmarine (la femme d'Ordralfabétix) et d'Ocatarinetabellatchitchix (le chef de clan corse) n'a jamais utilisés dans ses albums...
http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/10/17/asterix-en-version-originale_3497063_3246.html