Jacques Villeret, gloire césarisée du cinéma français, est né
d’un père kabyle. Cette histoire longtemps cachée, son frère de sang, Ahmin la raconte ici : Extrait de la Nouvelle République.
Daniel Prévost, de père kabyle, avait tenté d'aider Jacques
Villeret à renouer avec ses racines en l'emmenant en Kabylie...
« Jacques avait trop peur », explique Ahmin, le frère de sang
de Mohammed Boufroura, plus connu sous le nom de Jacques Villeret. Leur
père, Français d'Algérie, était venu travailler en France à l'âge de 16 ans,
dans les années quarante. Il pose sa valise à Tours. « Il avait 27 ans.
C'était un joli garçon. Un gaillard de près de deux mètres. Comme beaucoup de
Kabyles, il n'avait pas l'air maghrébin : yeux verts, teint pâle, cheveux
châtains. Annette (Bonnin), une jeune fille de 16 ans, apprentie coiffeuse,
tombe alors raide dingue de mon père », raconte Ahmin Boufroura.
Les parents d'Annette voient d'un mauvais œil leur fille s'amouracher d'un
« Arabe ». Trop tard. Annette tombe enceinte et cet enfant qu'elle porte, c'est
le futur Mohammed Boufroura - Jacques Villeret. Les parents d'Annette sont
furieux, mais comme à l'époque, être fille-mère était une honte, ils décident de
les marier. A la mairie de Tours, le jour des noces, Annette est enceinte de six
mois.
« Trois mois plus tard, à la naissance, mon père reconnaîtra Jacky et dix
mois plus tard, les parents d'Annette qui finissent par accuser mon père de
détournement de mineure (à l'époque, la majorité était à 21 ans),
obtiennent son arrestation et le divorce du couple. Quand il sort de prison,
il n'a plus le droit de voir ni son fils, ni son ex-femme. Le seul lien avec eux
est l'argent qu'il est condamné à leur verser pour l'éducation de
l'enfant », confie Ahmin Boufroura.
Ce père évincé s'en va travailler à Paris pour trouver les moyens de verser
les trente francs de pension qu'il envoie par mandat. « Il n'a jamais plus
revu Annette et Jacky. C'était sa grande douleur. Je le voyais dans ses yeux.
Annette était son premier amour, le plus fort. Ce passé est resté vivant en lui,
même quand il a refait sa vie avec ma mère », soupire Ahmin Boufroura.
« Jacques ne voulait pas entendre parler de ce père qui ne s'est jamais occupé
de lui », lance Ghislaine Villeret, la fille d'Anette.
C'est à la fin des années quatre-vingt-dix que Jacques Villeret se rapproche
de son demi-frère, assure Ahmin Boufroura. « On se voyait plus souvent. Il me
racontait combien il avait souffert de l'arrachage de ses racines algériennes
pendant son enfance. L'instituteur qui ne prononçait pas son nom de famille
quand il faisait l'appel, ses copains de classe qui lui balançaient : " Ta
mère, c'est une p..., elle s'est mariée avec un crouille ". Il disait, les
larmes aux yeux, que Raymond Villeret, le second mari de sa mère, était un
saint, qu'il l'avait élevé comme son propre fils. En revanche, sa mère et sa
demi-sœur maternelle, Ghislaine, il les appelait les sorcières et à un moment
donné, il ne leur parlait même plus. Elles sont allées jusqu'au bout.
»
« Quand on voit la tombe de Jacques à Perrusson (près de
Loches), son nom de famille, Boufroura, n'apparaît pas. Lors de ses
funérailles à Tours, la mère et la sœur de Jacques ont ordonné au service de
sécurité d'interdire à Seny, sa seconde compagne, d'entrer dans l'église. Pierre
Arditi, un des porteurs du cercueil, était outré. Il est allé voir la mère de
Jacques pour s'en plaindre. Rien à faire : Seny est restée dehors. Comme moi.
J'ai prié sur le trottoir, car comme beaucoup de Kabyles, je suis
chrétien ».
Jacques Villeret finira par recoller les morceaux de cette enfance déchirée.
Il ira même plus loin que l'Afrique du Nord : dans les bras de Seny, la
Sénégalaise, noire comme l'ébène… Pour Ahmin Boufroura, cette femme, c'était
« comme un pied de nez à sa famille maternelle. A la fin de sa vie, il m'a
dit qu'il était fier d'être Algérien de père et Français de mère ».
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Comment Ahmin Boufroura a-t-il renoué avec son frère ? Il s'en explique :
« Mon père a fini par m'en parler, un jour, mais à demi-mots. Et puis je suis
revenu en France, à l'âge de 20 ans. J'y ai accompli mon service militaire et
fait mes études au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris.
C'est là qu'un jour j'ai été convoqué par le directeur qui a sorti une petite
fiche cartonnée avec la photo de Jacques Villeret parmi celles de ses camarades
de promo (Francis Huster, Nathalie Baye ou encore Jacques Weber).
Il m'a demandé si j'avais quelque chose à voir avec ce Mohammed Boufroura. Mes jambes ne me tenaient plus. Nous étions en 1991. J'avais 27 ans. J'ai mené mon enquête, j'ai découvert qu'il vivait au 28, rue de la Trémoille, à Paris. J'y suis allé. Je suis tombé sur sa première épouse. Je me suis présenté. J'ai demandé à voir mon frère. Deux minutes plus tard, deux fourgons de police arrivaient et m'embarquaient au commissariat, rue Clément-Marot. Ils m'ont expliqué que mon frère voulait bien me voir, mais pas qu'on sache qu'il est de père algérien. Soudain, Jacques arrive, me fusille du regard, me menace, me fait la misère… Jacques m'a ensuite appelé plusieurs fois, la nuit, bourré comme un cochon. »
Il m'a demandé si j'avais quelque chose à voir avec ce Mohammed Boufroura. Mes jambes ne me tenaient plus. Nous étions en 1991. J'avais 27 ans. J'ai mené mon enquête, j'ai découvert qu'il vivait au 28, rue de la Trémoille, à Paris. J'y suis allé. Je suis tombé sur sa première épouse. Je me suis présenté. J'ai demandé à voir mon frère. Deux minutes plus tard, deux fourgons de police arrivaient et m'embarquaient au commissariat, rue Clément-Marot. Ils m'ont expliqué que mon frère voulait bien me voir, mais pas qu'on sache qu'il est de père algérien. Soudain, Jacques arrive, me fusille du regard, me menace, me fait la misère… Jacques m'a ensuite appelé plusieurs fois, la nuit, bourré comme un cochon. »
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