Le réalisateur de "Quai d'Orsay" lance, chez Actes Sud, une collection de romans qui ont inspiré les plus grands westerns. Il s'en explique dans "l'Obs" cette semaine. Extrait
Le Nouvel Observateur Quel
est votre premier souvenir de western?
Bertrand Tavernier Quand j'étais petit, à Lyon, mon père m'emmenait souvent au
Triomphe voir des films de guerre et des westerns. Il voulait sans doute me
montrer, lui qui était lié aux milieux littéraires, qu'il ne considérait pas le
cinéma comme un divertissement inférieur. Il n'y avait d'ailleurs pas que les
films qui m'enchantaient à l'époque, il y avait aussi tout le déroulement des
séances. Le dessin animé, qui devait être un «Bugs Bunny», la présentation du
film de la semaine suivante.
Ces romans qui sont à
l'origine de beaucoup des grands westerns que vous avez aimés ne sont-ils pas
assez conservateurs, avec par exemple une image péjorative des Indiens?
Pas
toujours, non. Dans «Terreur apache», Burnett est fidèle aux personnages qu'il
décrit, jusque dans leurs préjugés. C'est aussi vrai de tous ses romans noirs,
car il était aussi un spécialiste du genre. Quand tel et tel personnage, issus
de différentes ethnies, se vomissent mutuellement, Burnett le garde, parce que
c'est la vérité du monde qu'il connaît. Donc il n'édulcore pas.
Ça ne
veut pas dire qu'il les approuve. Dans «Terreur apache», il montre l'état
d'esprit d'un éclaireur en 1882, pour qui les Apaches étaient des gens d'une
cruauté inouïe. Mais quand Burnett parle des Indiens en son nom, il explique
qu'ils étaient, comme les Spartiates, parmi les plus grands guerriers de
l'histoire.
Si vous prenez le
chef-d'oeuvre d'Aldrich, «Fureur apache», avec Burt Lancaster, un des plus
grands westerns des années 1970 et une extraordinaire allégorie sur la guerre
du Vietnam, c'est un peu pareil. Il y a un personnage de colon que les Indiens
ont écorché vif, et non seulement ça, mais ils lui ont mis la queue d'un chien
dans la bouche. Quand on demande à Lancaster pourquoi ils ont fait ça, il
répond: «Humour
apache.»
Pourquoi le western est-il aussi en
vogue ?
Parce
qu'il y a une fascination, dans un monde qui s'est sururbanisé, pour cet
univers. Il y a tout dans un western. Même dans nos négociations à Bruxelles,
on a souvent utilisé la philosophie du western, parce que c'est le contraire du
libéralisme à tout crin. On expliquait ça aux négociateurs américains.
Dans
tout bon western, les cattle barons veulent un
droit de pâture universel pour leurs troupeaux, et se heurtent aux éleveurs qui
installent des clôtures. Et les westerns disent que les éleveurs ont raison.
C'est ce qu'on leur expliquait: vous prêchez contre votre propre cinéma.
Si
les hommes politiques allaient voir davantage de westerns, ils apprendraient à
mieux nous défendre contre les gens d'internet qui sont les cattle
barons d'aujourd'hui. Des gens qui ne respectent aucunement la
propriété d'autrui. [...]
Rencontre avec Bertrand Tavernier lien vers interview http://www.franceculture.fr/emissions/les-tetes-chercheuses/la-litterature-western-avec-bertrand-tavernier
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