Jean-Pierre Talbot est le seul à avoir incarné Tintin au cinéma. Il sera à Poitiers, le 26 novembre, pour une soirée spéciale. Interview.
Jean-Pierre Talbot, avec la sortie du film Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne, vous devez être sollicité.
Je sors d’une quinzaine incroyablement mouvementée, c’est dingue de constater à quel point les gens sont encore remplis d’admiration et d’amitié à mon égard. J’en vois qui me dise « ah, Monsieur Talbot, Monsieur Tintin, vous m’avez fait rêver ». C’est émouvant. C’est comme cela depuis toujours. Je reçois encore entre 10 et 12 lettres par mois de ce style. Mais c’est vrai qu’avec le film de Spielberg, le contexte est différent. J’ai été surpris de l’engouement et de l’enthousiasme.
“ Mes petits-enfants m’ont appelé papy Tintin ”
Vous avez incarné Tintin en 1961 (*), quels souvenirs en gardez-vous ?
Le tournage était comme un match de foot, une aventure, on s’est bien amusé. Déjà, c’était très agréable de voir comment un film se construit techniquement. La seule chose embêtante était l’attente entre deux prises. Mais ce n’était pas la mine. Milou était correct il ne nous a pas fait recommencer trop de scènes. Mes collègues de tournage étaient de grands messieurs et c’était facile d’évoluer au milieu d’eux. Malgré tout, je dois bien constater que de tous, c’était encore moi, malgré ma jeunesse, qui connaissait le mieux Tintin. Mon avis faisait autorité auprès du metteur en scène pour modifier certaines feuilles de route.
Saviez-vous que vous aviez une ressemblance avec Tintin ?
Jamais. On ne me l’avait jamais dit. Pas une fois. En fait, Tintin est un personnage extrêmement simple de visage. C’est simplement un ovale qui se poursuit sur la mèche. Ce visage n’existe pas, j’étais une adaptation plausible de ce visage. Au-delà de la ressemblance, j’ai aussi été choisi pour mes qualités athlétiques et j’étais plutôt à l’aise devant la caméra. Même si la critique snobinarde et intellectuelle a trouvé cela « bof », le grand public a été enthousiaste. Surtout je n’ai pas essayé d’incarner Tintin au cinéma, j’ai fait comme si l’aventure m’arrivait à moi Jean-Pierre et cela correspondait.
Comment s’est passée la rencontre avec Hergé ?
C’était moi, c’était signé, je devais jouer. Je m’attendais à être critiqué. Par les adultes cela m’aurait été égal mais je ne voulais pas décevoir les enfants. La première fois, que j’ai vu Hergé, j’étais anxieux de son verdict. Si celui-ci était mitigé, je savais que j’allais décevoir les enfants. Cela a duré quelques secondes mais pour moi une éternité. Hergé a incliné la tête, il a posé la main sur mon épaule et il a dit au producteur : « Ah oui, c’est bien lui ». Mon cœur a bondi de joie. Pour lui, j’étais le Tintin qui sortait de la case pour devenir chair et os. Le lendemain, j’étais déguisé en Tintin pour des photos, les gens découvraient ce Tintin, ils voulaient des autographes. J’ai signé Jean-Pierre Talbot mais les gens voulaient la signature de Tintin. Hergé a de nouveau incliné la tête, mis la main sur épaule, et m’a autorisé à signer Tintin. Depuis je signe toujours : « Tintin et Jean-Pierre Talbot », jamais Tintin tout seul par respect pour Hergé et le personnage.
Quel est aujourd’hui votre rapport avec Tintin ?
Je suis moi, c’est tout. J’ai incarné Tintin. Comme dans un couple, l’un fait pression sur l’autre pour s’améliorer. Dans ma vie, du fait que j’incarnais Tintin, j’étais obligé de bien me conduire.
Auriez-vous pu jouer d’autres rôles au cinéma ?
Je pense aujourd’hui que oui. Autour de moi, j’ai vu des grands acteurs courir après les contrats, je ne voulais pas de cela. J’étais moniteur de sport et je voulais faire de la pédagogie. Je suis devenu instituteur puis directeur d’école. Une vie bien remplie, ensoleillée par le monde de Tintin. Et ça fait 52 ans que cela dure. Dans une petite ville comme Spa, mes élèves savaient qui j’étais mais ils n’y prêtaient plus attention. Par contre, de retour de vacances, ils avaient toujours des photos à faire dédicacer pour leur famille ou leurs amis. Quand j’étais directeur mes petits-enfants sont venus et m’ont appelé papy Tintin. Un nom qu’ont repris les enfants de maternelle. Je trouvais cela mignon. Puis en primaire, cela devenait M. Talbot.
(*) Jean-Pierre Talbot a joué dans deux films Tintin et le Mystère de la Toison d’or (1961) et Tintin et les Oranges bleues (1964).
Recueilli par Samy Magnant la Nouvelle République .
photos :
© (Photo dr, Jean-Pierre Talbot)
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