AUDIENCES TV - Avec le film de Georges Lautner, "Les Tontons flingueurs", "France 2" prend la place de leader devant "TF1" et "M6".
France 2 arrive en première position avec le film culte de Georges Lautner, Les Tontons flingueurs suivi par 6.6 millions de téléspectateurs, soit 24,4% de part d'audience.
Cameron Diaz, Kate Winslet et Jude Law ont attiré 4.5 millions de téléspectateurs sur TF1 pour le film The Holiday et 18,7% du public.
http://www.rtl.fr/actualites/culture-loisirs/television/article/audiences-tv-les-tontons-flingueurs-triomphent-sur-france-2-france-3-s-en-sort-tres-bien-7767260886
lu une petite critique assez bien écrite
de Bruno Roger-Petit
Chroniqueur politique
LE PLUS. Diffusé sur France 2 en hommage à Georges Lautner mort dans la nuit du vendredi 22 novembre, "Les Tontons flingueurs" ont obtenu une audience record. Ce film de 1963 est-il devenu populaire pour de mauvaises raisons et faut-il s'en réjouir ? Bruno Roger-Petit le pense.
Les Tontons flingueurs" ont battu tout le monde, mais faut-il vraiment s'en
réjouir ? Programmé sur France 2 en version noir et blanc (il fut un temps où
les chaines le diffusaient en "colorisé", de peur que le noir et blanc rebutent
les jeunes téléspectateurs), le film de Georges Lautner a connu les faveurs d'un
audimat record : 6.677.000 téléspectateurs soit
24,4% de l’ensemble du public.
A-t-on le droit de dire ici que ce succès est une bien mauvaise nouvelle,
pour Lautner, pour Audiard, et pour cette élite éclairée (à laquelle l'auteur de
ces lignes appartient) et qui a aimé ce film en un temps où il était honteux de
l'aimer ?
Un film musée en
2013
"Les Tontons flingueurs", film de rébellion contre le cinéma d'auteur
ennuyeux et prétentieux du début des années 60, de la Nouvelle vague à la
Godard, film destiné à tous ceux qui vivent leur temps avec leur temps, film
emblématique d'une époque, ne méritait pas de devenir le film musée de la France
figée et rancie des années 2010, le musée de la France morte.
Il s'agissait de rendre hommage à Georges Lautner, disparu ce vendredi et
France 2 a choisi la facilité en programmant en urgence "Les Tontons
flingueurs", film devenu une valeur refuge de l'audimat, au même titre que "La
Grande vadrouille" et "Les Bronzés".
Depuis quelques années, ce film, porté par les répliques d'Audiard, est
devenu un objet de patrimoine national, et chacune de ses rediffusions est salué
comme un moment de communion tricolore. Et de célébrer, encore et encore, tels
les dévots du cinéma de papa, les répliques dites cultes :
"Je vais le disperser façon puzzle", "L'interlocuteur me parait un peu rustique,
le genre agricole", "On ne devrait jamais quitter Montauban", "Tu te prépares
des nuits sans sommeil, des nervous breakdown comme on dit de nos
jours".
Le problème, c'est que la France regarde les "Tontons flingueurs" comme elle
va au musée. "Les Tontons", peut-on lire, appartiennent au "patrimoine culturel
français". Et c'est bien cela le drame, le tragique destin français des
"Tontons", cette grossière confiscation par le consensus acculturé, propre à la
France d'aujourd'hui, d'un film politiquement incorrect, d'un film de vie et de
rébellion...
L'auteur de ces lignes a eu un jour la chance de s'entretenir avec Georges
Lautner au sujet des "Tontons Flingueurs". C'était au mois d'août 1989, à Nice,
sur le tournage d'un film oublié (qui est pourtant le seul film français jamais
joué par Robert Mitchum).
Un film maudit dans les années
80
À cette époque, "Les Tontons flingueurs" est un film réservé à une certaine
élite parce que décrié par tout ceux qui décrètent, depuis un siècle, ce qui est
"beau" et "laid" au cinéma. Produit et sorti en pleine Nouvelle vague, en pleine
mode Jean-Luc Godard, les "Tontons" n'ont connu ni succès critique ni succès
public. À la fin des années 80, le film est encore considéré comme un
nanar.
À cette époque, "Les Tontons" est encore un film maudit, que l'on diffuse en
début d'après midi pendant les vacances de Pâques ou de Noël, parce qu'il ne
coute pas cher et ne fait pas d'audience.
À cette époque, dire à Lautner que l'on aime "Les Tontons" et qu'on le
conserve précieusement en VHS, c'est voir le réalisateur, touché et ému, vous
attribuer automatiquement un brevet de rébellion cinéphile. C'est aussi éprouver
la joie de vous voir livrer le secret de la réussite du film : Lino Ventura est
le seul à jouer un personnage sérieux, avec sérieux, en compagnie d'acteurs qui
ne prenaient pas ce tournage au sérieux dans un univers pas sérieux.
À cette époque, on se reconnait entre amateurs des "Tontons" à ce que nous ne
sommes que quelques uns à se balancer les répliques du film. Parce que nous
savons qu'elles ont aussi une valeur historique et symbolique : "J'ai pas
entendu dire que le gouvernement t'avait rappelé", "L'heure serait comme qui
dirait aux tables rondes et à la détente".
Un film de
transmission
"Les Tontons" est le film qui marque le passage des années 50 aux années 60,
le film des débuts de la Ve et du gaullisme, du nouveau Franc Pinay, de "Cinq
colonnes à la Une", de la Guerre froide, des années Kennedy/Kroutchev, de la
crise des missiles de Cuba, de la construction du lien France-Allemagne après la
guerre...
La valeur du film provient de ce qu'il est écho de son temps. Parmi ceux qui
se récitent les répliques du film jusqu'à en
faire des lieux communs, combien saisissent cette dimension ? Combien
comprennent les références d'actualité devenues historiques ? Que les répliques
des "Tontons" soient devenues des tartes à la crème dans bien des conversations
du commun est, pour les admirateurs du film, un supplice épouvantable.
Film de son temps, c'est ainsi qu'il faut regarder les "Tontons". Donc film
vivant, parce que de son temps, parce que dans son temps.
Conformisme
Le drame des "Tontons flingueurs", c'est son succès, qui repose sur un
tragique malentendu. Le public français, en grande partie, le regarde pour de
mauvaises raisons. Il ne contemple pas un formidable film de vie et d'énergie,
une leçon de cinéma, mais un musée des icônes disparues, un théâtre d'ombres :
Blier, Ventura, Blanche, Dalban...
On regarde "Les Tontons" comme une émission de Stéphane Bern sur les mystères
de la cour de Louis XIV, façon "C'était mieux avant..." Et l'élite (oui,
l'élite) qui a tant aimé "Les Tontons" quand il était un film maudit et
méprisé, qui l'a adoré avant ce mortifère triomphe, cette élite, avancée et
éclairée, en est réduite à assister à cette ultime trahison de l’œuvre de
Lautner et d'Audiard : ce qui était vie et rébellion est devenue mort et
conformisme.
Que nous reste-t-il à nous, élite avant-gardiste, de l’œuvre de Lautner qui
ne nous soit pas confisqué par le consensus acculturé et muséificateur ? Deux
grands films en vérité.
"Le Septième juré" d'abord, œuvre consacrée aux hypocrisies de la bourgeoisie
française, film dont le seul à être dans la vérité est un assassin, avec un
Bernard Blier exceptionnel, œuvre dérangeante, provocante et troublante...
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/975765-les-tontons-flingueurs-sur-france-2-l-inquietant-succes-d-un-film-musee.html
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