Qu’est ce qui vous a donné envie d’écrire vos
mémoires?
L’échec de mon remake de L’Emmerdeur. Vous ne pouvez pas
imaginer le mal que m’ont fait certaines critiques et la désaffection du public.
Alors que la pièce avait été un immense succès, j’ai pris le bide de ma vie avec
le film. Aujourd’hui, je réalise qu’il y a certains cultes auxquels on ne peut
pas toucher. Mais sur le coup, j’ai vraiment eu l’impression atroce d’avoir fait
de la profanation de sépulture. Le livre a servi de thérapie. Comme ça, je n’ai
pas eu besoin d’aller amuser un psychiatre.
Vous n’y êtes pas
tendre avec la profession : les producteurs sont radins, les acteurs
alcooliques, les réalisateurs sont méprisants ou flemmards....
Et
encore, je n’ai raconté que ce que j’ai vu ou vécu moi-même. Si vous saviez les
horreurs qu’on raconte! [Rires] Sérieusement, l’exercice n’aurait eu aucun
intérêt si c’était pour flatter tout le monde et employer la langue de bois. Et
puis, je suis du genre à me fâcher avec quelqu’un juste pour faire rire. Je
crois qu’on ne peut pas être drôle sans être un peu méchant. Ça m’a valu bien
des déconvenues. À l’armée j’ai même fait quinze jours de mitard pour un bon
mot. Ça ne m’a pas servi de leçon. Dans le livre, j’écris de Gad Elmaleh qu’il
paraît toujours en dettes de rires et cherche à les rembourser. Je pourrais dire
la même chose sur moi.
D’où vous vient ce besoin de faire rire?
Comme je l’écris en
introduction, mon père était juif, ma mère arménienne. Deux génocides, deux murs
des lamentations dans le sang : tout pour faire un comique.
Telle
que vous l’écrivez, l’histoire de votre famille mériterait un film. Vous n’y
avez jamais songé?
Pour qu’une fiction fonctionne, il faut qu’elle
soit un minimum vraisemblable. Or ma famille est invraisemblable! [Rires)]. Ma
mère était Russe, c’est-à-dire folle, et mon père trop romanesque pour la vraie
vie.
Vous ne dites pas qui est le vrai François Pignon : c’est
vous?
Hélas! Je le crains! J’aurais préféré être Campana, mais je
suis plus près de Pignon, je l’avoue. Ma femme dit toujours que je suis un
autiste réalisatif.
Depardieu lui, vous qualifie plutôt de
pervers...
Il balance sur tout le monde en ce moment. Je crois qu’il
a dû perdre quelques neurones. Pour moi, Depardieu c’est Mozart dans Amadeus, le
film de Milos Forman : un génie dans un corps de voyou. C’est le champion de
l’attraction- répulsion.
Et un grand amateur d’alcools, comme
nombre de ses confrères acteurs apparemment…
Oui, hélas! Jacques
Villeret, qui était un autre génie, en est même mort. Je ne peux pas penser à
lui sans me souvenir de ses « absences ». A ce stade, ça ressemblait à une forme
de suicide.
De Lino Ventura vous écrivez qu’au fond, c’était lui
L’Emmerdeur…
C’est la pure vérité. Il pouvait être aussi chiant
qu’une femme. Et ce n’est pas faire injure à sa mémoire que de le dire puisque
c’est aussi ce que l’on aimait chez lui, sa part de féminité dans un corps de
lutteur.
Vous décrivez aussi Pierre Richard comme un radin
érotomane…
Euh, je dis juste qu’il oublie souvent sa carte bancaire
et que ses roucoulades nous faisaient rire sur les tournages. Et aussi que je
regrette un peu d’avoir fait de lui la grande vedette qu’il est devenu après Le
Jouet et Le Grand Blond parce que ça l’a sans doute empêché de continuer à faire
ses propres films.
Il n’y a pas beaucoup de femmes dans votre
univers, pourquoi?
Les femmes clowns sont rares et ce sont souvent
des camions chez nous. J’ai toujours des scrupules à les placer dans des
situations ridicules. Et puis, après Serrault dans « La Cage aux Folles », c’est
difficile de faire mieux non?
Ça vous énerve de ne pas avoir eu
de césar?
Pas trop non. Je préfère entrer à la poste qu’à la
postérité, comme disait Alphonse Allais. Mais avouez que je n’ai pas eu de
chance : l’Académie a préféré remettre le prix du scénario à Thérèse plutôt
qu’aux Compères. Le film d’Alain Cavalier est très beau, mais ce n’est pas à
cause de son scénario. Pour me consoler, je me dis que Billy Wilder a attendu
longtemps son oscar. Mais j’ai eu ma part de reconnaissance quand Gilles Jacob
m’a proposé de faire partie du jury du Festival de Cannes. Pour la première
fois, j’avais le sentiment d’exister pour les gens du cinéma. Sauf qu’au moment
du palmarès tout le monde voulait donner un prix à Godard. J’ai juste demandé :
« Ah bon, et pourquoi? » et ils m’ont regardé comme si j’avais dit une insanité
[rires]. Mais d’avoir été à Cannes m’a permis de partir travailler quelques
années à Hollywood. Une expérience que je ne regrette pas.
Qui
restera selon vous le meilleur François Pignon?
Je les aime tous.
Pierre Richard est l’historique, Villeret, l’étoile filante, Brel le plus
émouvant… Mais Laspalles, qui le joue en ce moment au théâtre, m’épate. Il
réussit encore à me faire rire. C’est le plus con-pact de mes cons : on dirait
une compression de César!
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